Un film de Yolande Moreau.
Yolande Moreau n’est pas seulement une actrice bien connue et appréciée du public, surtout depuis 2008, année de sa remarquable interprétation du rôle de Séraphine de Senlis dans le film de Martin Provost, mais elle se plaît aussi, de temps à autre, à se placer devant et derrière la caméra, en tant qu’actrice toujours, mais aussi en tant que réalisatrice. La Fiancée du poète est le troisième film de fiction réalisée par elle et c’est aussi, clairement, son meilleur.
Dans ce film l’on retrouve l’alliance de deux dimensions qui, au lieu de se contredire comme il serait, apparemment, logique, au contraire s’adjoignent de manière très harmonieuse : la fantaisie et le vague à l’âme. Les deux sont présentes dans Mireille, le personnage que joue Yolande Moreau, une femme qui, venant de sortir de prison, s’en revient dans la maison héritée de ses parents, à Monthermé, dans les Ardennes, retrouvant, du même coup, sa sœur Annie (Anne Benoit), femme plutôt rigide qui voudrait bien mettre de l’ordre dans la vie de la revenante.
Or la revenante en question n’est pas, à proprement parler, une repentie. Elle a beau dire au père Benoît, le prêtre loufoque dont le rôle a été confié à William Sheller, que sa vie est « un champ de ruines », on ne la surprend pas moins, cependant, peu après, se livrer à des petits trafics et larcins qui, comme on dit, mettent du beurre dans les épinards, le petit boulot de serveuse qu’elle a réussi à obtenir ne suffisant pas à couvrir ses besoins. C’est que la maison où elle s’est installée est une vaste demeure dont l’entretien risque de coûter fort cher.
Le père Benoît lui avait recommandé d’aller vers les autres. En vérité, ce sont les autres qui viennent à elle car, pour s’en sortir, elle n’a pas d’autre solution que de faire venir des locataires dans sa maison. La fantasque galerie de personnages qui apparaissent alors est des plus réjouissantes : il y a Bernard (Grégory Gadebois) dont Mireille (volontiers espionne) découvre bientôt qu’il se travestit régulièrement en femme ; il y a Cyril (Thomas Guy), un jeune peintre non dénué de talent mais qui ne rechigne pas à faire le faussaire ; et il y a Elvis (Estéban), un cow-boy chanteur qui, en vérité, est turc.
Parmi les œuvres picturales copiées par Cyril, figure La Vérité sortant du puits armée de son martinet pour châtier l’humanité, tableau de Jean-Léon Gérôme (1824-1904), peintre académique qui s’opposa au modernisme d’un Manet ou d’un Caillebotte. Comment comprendre cela sinon comme un pied-de-nez dans un film qui, précisément, non seulement n’a rien d’académique mais qui, de plus, peut être perçu comme une sorte d’apologie du mensonge ! La vérité peut bien à nouveau rentrer dans son puits !
Car, hormis la sérieuse et coincée Annie, tous les autres personnages apparaissent comme des virtuoses du mensonge, y compris le père Benoît qui, tout ensoutané qu’il soit, se plaît à promener ses deux petits chiens de luxe et à jouer à l’orgue de son église des airs du groupe Abba. Mais le comble de la simulation survient avec l’arrivée d’un nouveau personnage, Fernando (Sergi López), qui, pour la séduire, s’est fait connaître à Mireille sous un tout autre nom que le sien, celui du poète André Pieyre de Mandiargues (1909-1991), ou plutôt, comme il se plaît à dire, Mandiarguèssss (en insistant bien sur le s final). Voilà qui ne manque pas de piquant ! Même le cerf en ciment de Mireille (dont elle prétend qu’il a une âme) en brame d’étonnement ! Tout est faux et vrai à la fois ou, si l’on préfère, le mensonge n’est pas forcément aussi vilain qu’on le prétend ! Un film aussi libre et fantaisiste que celui de Yolande Moreau se passe volontiers de morale mais, s’il y en avait une, ce serait celle-là !
8/10
Luc Schweitzer
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André Pieyre de Mandiargues - Wikipédia
Basculer la table des matières Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre. André Pieyre de Mandiargues Langue d'écriture français Mouvement surréalisme Œuvres principales André Pieyre d...
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La Vérité sortant du puits armée de son martinet pour châtier l'humanité
Cette 'Vérité sortant du puits armée de son martinet pour châtier l'humanité' (car tel est bien le titre de ce tableau de 1896) n'a rien à voir avec Dreyfus, mais représente pour son auteur,...