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LE RAVISSEMENT

Un film de Iris Kaltenbäck.

 

 

Au début de sa critique publiée dans Télérama, Jacques Morice observe judicieusement que le mot « ravissement » peut avoir deux significations distinctes : « l’extase » ou « le rapt ». Or, dans ce film, les deux définitions se conjuguent pour n’en faire qu’une. Il serait réducteur de voir en Lydia, le troublant personnage incarné par Hafsia Herzi, uniquement une ravisseuse, en omettant la part d’émerveillement qui, à certains moments, la subjugue.

Iris Kaltenbäck, dont c’est le premier long-métrage, démontre, dès les premières scènes, une maîtrise de la réalisation qui laisse admiratif. Nous y découvrons une jeune femme qui semble parfaitement équilibrée, tout occupée qu’elle est à vouloir fêter avec un gâteau l’anniversaire de Salomé (Nina Meurisse), sa meilleure amie, meilleure pour cause puisque c’est la seule. Or, avant de rejoindre Salomé, Lydia retrouve, chez elle, son compagnon qui lui annonce qu’il l’a trompée. Curieusement, Lydia sourit avant de se reprendre et de faire savoir audit compagnon qu’elle ne veut plus le voir. Mais c’est une autre surprise qui l’attend lorsque, un peu plus tard, son amie Salomé lui apprend qu’elle est enceinte. Voilà qui tombe bien puisque Lydia travaille comme sage-femme.

Mais il y a un autre personnage important dans le film, il en est même le narrateur, s’exprimant, dès le début et à plusieurs reprises, en voix off. Il s’agit de Milos (Alexis Manenti), un chauffeur de bus qui, alors que Lydia s’était endormie, un soir, dans son véhicule, l’avait ramenée chez elle et avait passé la nuit avec elle. Cela aurait pu n’être qu’une aventure d’une nuit, précisément, si, par un concours de circonstances, Milos et Lydia ne s’étaient pas rencontrés à nouveau, cette fois à l’hôpital, alors que Lydia tient dans ses bras la petite Esmée, le bébé de Salomé qui vient d’accoucher et qui est en pleine dépression post-natale.  

Peu importe le concours de circonstances qui peut paraître artificiel. La vie n’est pas avare de coïncidences. Quoi qu’il en soit, tout est en place maintenant pour le grand dérapage que la réalisatrice s’était contentée jusqu’alors de faire pressentir par petites touches. Un premier mensonge, énoncée presque froidement par Lydia, la précipite dans une succession d’affabulations qu’elle-même ne maîtrise pas. Pourtant, sauf à la fin du film, jamais la jeune femme ne semble perdre ni ses moyens ni sa lucidité. Plus elle s’enfonce dans le mensonge, plus elle semble sûre d’elle, au point qu’elle mystifie complètement Milos.  

Par son jeu étonnant, Hafsia Herzi parvient à rendre son personnage totalement fascinant. Tout au long du film et surtout quand surviennent les mensonges, on s’interroge à son sujet : qui est Lydia ? Une sage-femme expérimentée qui a dérapé ? Même les « spécialistes », appelés à se prononcer sur son cas, ne parviennent pas à se mettre d’accord. Pour les uns, elle est dangereuse, mais pas vraiment pour les autres. La réalisatrice, elle, se garde bien de donner une réponse définitive. Le personnage qu’elle a mis en scène n’en est que plus déconcertant et subjuguant à la fois.   

7,5/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer

Tag(s) : #Films
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