Comment parler d’Hélène Grimaud ? Dire qu’il s’agit d’une pianiste française de renommée internationale ne peut suffire. Préciser qu’elle a quitté très tôt son pays natal pour s’établir aux États-Unis où elle a pu s’investir dans l’autre projet qui lui tient à cœur, celui de la préservation et de l’étude du comportement des loups et, plus généralement, de la vie sauvage, apporte un complément important mais n’est pas encore pleinement satisfaisant. En vérité, il ne faut pas chercher à enfermer Hélène Grimaud dans des définitions. Il y a chez elle quelque chose qui échappe à nos classifications et c’est tant mieux.
Ce qui est évident, quoi qu’il en soit, c’est qu’on a affaire à quelqu’un qui se soustrait aux banalités, aux jugements convenus, aux paroles tellement ressassées qu’elles ne veulent plus rien dire. Cela est flagrant à la lecture de Renaître, livre d’entretiens d’Hélène Grimaud avec Stéphane Barsacq, qui vient de paraître aux éditions Albin Michel. Dans cet ouvrage, tout ce qui tient à cœur à la pianiste et éthologue est abordé et l’on ne peut qu’être impressionné par la profondeur de ses propos, des réponses aux questions posées par l’interlocuteur. Manifestement, l’on a affaire à quelqu’un qui ne fait pas dans la demi-mesure, ni quand il s’agit de la défense des loups, des mustangs ou d’autres espèces sauvages, ni quand il s’agit de s’exprimer sur son art, sur la signification profonde de la musique. Hélène Grimaud vibre de tout son être quand elle parle des compositeurs qu’elle aime le plus, Beethoven, Schumann, Brahms, Schubert ou Rachmaninov, mais elle ne se contente pas de les célébrer, elle propose une réflexion précise et juste sur ce qu’est véritablement la musique et sur le travail de l’interprète.
L’une des questions que l’on peut avoir à l’esprit en lisant ces textes, c’est celle du lien, de la conciliation, entre deux passions qui semblent à mille lieues l’une de l’autre, la musique et l’engagement que l’on peut dire écologique. Quel rapport entre les deux ? Et comment est-il possible de se consacrer aux deux ? Sur ce sujet, comme d’ailleurs sur tous ceux qui sont abordés dans Renaître, Hélène Grimaud apporte des réponses manifestement mûrement réfléchies et qui, en l’occurrence, rejoignent les propos du pape François dans son encyclique Laudato Si, mais aussi, comme je l’avais déjà fait remarquer dans un autre article, bien avant François, ceux du naturaliste et explorateur Alexander Von Humboldt (1769-1859), le premier à les avoir énoncés, propos que l’on peut résumer par la formule désormais célèbre : « Tout est lié ».
Je ne peux mieux conclure mon article qu’en cédant la parole à Hélène Grimaud. Voici deux extraits de Renaître, extraits où il est question de musique et d’écologie et de ce qui les lie :
« C’est grâce à [la musique] qu’on se sent vivre à un niveau qui n’a rien d’intellectuel, parce qu’elle nous rappelle qui nous sommes. Cette conscience, nous l’expérimentons aussi au cœur de la nature sauvage, comme je l’expérimente avec les loups. Les deux procurent, d’une manière différente, le sentiment de fusion de l’être et du monde, et des liens qui nous rattachent à la création, parce que tout est lié, chaque discipline répond à une intuition globale. Les deux nous disent ou nous redisent notre appartenance commune à cette création sans cesse en mouvement, en transformation, en métamorphose. »
« … j’estime que l’écologie ne peut pas être considérée comme une simple discipline scientifique ou un objet d’expérimentations – encore moins comme la propriété d’un parti politique ! Elle est de l’ordre du spirituel parce qu’elle touche le domaine du sacré, l’essence même de notre rapport avec le vivant. Encore une fois, tout est lié, et tout nous relie, j’insiste vraiment sur ce point : l’écologie est profondément spirituelle. La nature tout entière est une théophanie. Il est de notre devoir non seulement de la préserver, mais de l’honorer, voire de la vénérer. » (Hélène Grimaud, Renaître)
Luc Schweitzer
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La pianiste aixoise exilée en Amérique, Hélène Grimaud, est l'invitée de Léa Salamé. Elle publie "Renaître" (Albin Michel). Plus d'info : ...
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Hélène Grimaud - Schumann: Kreisleriana op. 16 - 4. Sehr langsam
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