MES LECTURES – PREMIER SEMESTRE 1980

Parmi tous les romans de Julien Green que je lus en ce semestre-là, j'en distingue deux qui me firent plus forte impression que les autres (que j'ai tous appréciés également). Dans Chaque homme dans sa nuit, manifestement, je le compris d'emblée, Julien Green avait beaucoup mis de lui-même, de ses propres combats. Wilfred, le personnage principal, écartelé entre chair et esprit, c'est l'auteur lui-même mais c'est aussi le lecteur. Je me reconnus moi-même, peu ou prou, en lui, je connaissais ses épreuves et, comme lui, je compris que l'amour était bien davantage qu'une affaire de lit. Le mauvais lieu me fit également forte impression. L'histoire d'une petite fille qui, jetée dans le monde (c'est lui, le mauvais lieu) sème, sans le vouloir, du malheur autour d'elle, me toucha extrêmement. Elle est l'innocence murée dans son silence et sur qui se posent des regards malsains. En écrivant ce roman, Julien Green nous l'a, en quelque sorte, envoyé, à nous, lecteurs de 2023. C'est un roman pour aujourd'hui, que l'on serait bien avisé de lire ou relire.

Je lus aussi plusieurs romans et ouvrages divers de François Mauriac, toujours avec intérêt, mais sans être enthousiasmé comme je l'étais quand je lisais du Green. Je fus, bien sûr, remué par la lecture du Journal d'un curé de campagne de Bernanos, même si je trouvais que, par certains aspects, ce livre paraissait déjà daté. 

Pour ce qui concerne Montherlant ou Sartre, aussi différent fussent-ils, je les lus, d'une certaine façon, par devoir plus que par véritable intérêt. J'aimais assez les pièces de Montherlant, mais ses romans me laissèrent sur ma faim. 

Je n'avais pas encore lu Kafka, mais j'étais déjà curieux et de l'oeuvre et de son auteur. Idem, dans une moindre mesure, pour ce qui concerne Kierkegaard.

Mais le grand coup de coeur de ce semestre, ce furent les lectures successives de deux grands romans de Charles Dickens: David Copperfield et De grandes espérances. C'est le journal de Julien Green qui m'avait incité à lire Dickens. Ô combien j'en fus satisfait! En France, où l'on considère parfois Dickens comme un écrivain pour la jeunesse, on est dans l'erreur, par ignorance, peut-être parce qu'on ne le lit pas vraiment. Quant à moi, dès ces deux premiers romans, je plaçai leur auteur au panthéon de mes écrivains de prédilection. Dickens, comme Balzac, n'était pas sans défauts, mais qu'importe! Ses romans recelaient des trésors d'inventivité, de malice, de génie même, surtout quand apparaissaient, au fil des pages, les personnages les plus excentriques ou les plus rusés. Dickens excellait à les décrire comme personne. J'étais totalement séduit et je le suis toujours.

Janvier :

• Georges Duhamel :  La possession du monde
• Joseph Delteil :  La Deltheillerie
• Lanza del Vasto :  Pour éviter la fin du monde

Février :

• Joë Bousquet :  Le Bréviaire bleu
• Julien Green :  L’Autre
• Julien Green : Le Malfaiteur
• Julien Green :  Le Visionnaire

Mars :

• Agrippa d’Aubigné :  Les Tragiques
• Edouard Estaunié :  L’empreinte
• Julien Green :  Journal 1926-1972
• Julien Green :  Chaque homme dans sa nuit

Avril :

• Georges Bernanos :  Journal d’un curé de campagne
• Denis Diderot :  Les bijoux indiscrets
• André Gide :  Les faux-moyanneurs
• Jean Giono :  Noé
• Julien Green :  Epaves
• Eugène Ionesco :  Le piéton de l’air
• Jacques de Lacretelle :  Silbermann
• François Mauriac :  Mémoires intérieurs
• Henry de Montherlant :  Les jeunes filles. Pitié pour les femmes. Le démon du bien. Les lépreuses.
• François Mauriac :  Le désert de l’amour
• Jean-Paul Sartre :  La putain respectueuse. Morts sans sépulture.
• Jean-Paul Sartre :  Le diable et le bon dieu.
• Elsa Triolet :  Roses à crédit. Luna-Park. L’Âme.

Mai :

• Marcel Arland :  Terre natale
• Marcel Arland :  Zélie dans le désert
• Charles Baudelaire :  Mon cœur mis à nu
• Jean Cocteau :  Les enfants terribles
• Drieu la Rochelle :  Mémoires de Dirk Raspe
• Salvador Dali :  La vie secrète de S. Dali
• Julien Green :  Léviathan
• Valéry Larbaud :  Fermina Marquez
• Henry de Montherlant :  Le chaos et la nuit
• François Mauriac :  Le mystère Frontenac
• Robert de Saint Jean :  Julien Green par lui-même
• Elsa Triolet :  L’inspecteur des ruines
• Louise de Vilmorin :  Le lit à colonnes
• Louise de Vilmorin :  Madame de. Julietta.
• Boris Vian :  L’Arrache-Cœur

Juin :

• Dominique Arban :  Dostoïevski
• Charles Dickens :  David Copperfield
• Charles Dickens :  De grandes espérances
• Julien Green :  Si j’étais vous…
• Julien Green :  Le mauvais lieu
• Marguerite Grimault :  Kierkegaard
• François Mauriac :  L’enfant chargé de chaînes
• François Mauriac :  Vie de Jésus
• Henry de Montherlant :  La relève du matin
• Klaus Wagenbach :  Kafka