Un film de Ridley Scott.
Qui trop embrasse mal étreint, comme chacun sait. Comment proposer un regard pertinent sur Napoléon en survolant son parcours, depuis la décapitation de Marie-Antoinette en 1793 jusqu’à l’exil à Sainte-Hélène (1815-1821), en à peine 2h36 ? Il paraît que le film existera peut-être aussi en une version longue qui durera deux heures de plus. Peut-être sera-t-elle plus satisfaisante. Mais le film qui vient de sortir sur nos écrans, lui, paraît tellement réducteur qu’on ne peut qu’être dépité en le voyant.
La fresque est ambitieuse et elle réserve, à vrai dire, quelques séquences de haut niveau. J’en ai repéré trois qui, à elles seules, méritent le déplacement et ce sont trois scènes de batailles : le siège et la prise de Toulon (1793), la bataille d’Austerlitz (1805) et celle de Waterloo (1815). Dans ces trois cas, le travail effectué par Ridley Scott et son équipe, la direction d’acteurs, le choix des plans, les effets spéciaux, tout est admirable et réellement bluffant. Le savoir-faire du réalisateur y est indéniable. Malheureusement, il n’en est pas de même pour ce qui concerne la campagne d’Egypte, expédiée, pas plus que pour ce qui concerne la bataille de la Moskova, la prise et l’incendie de Moscou et la Bérézina, bâclés. Quant aux autres nombreuses batailles livrées par Napoléon et ses hommes, elles ne sont pas même évoquées.
En dehors des trois séquences de batailles qui sont incontestablement le meilleur de ce film, tout ou presque ne se focalise que sur un aspect de la vie de Napoléon : son amour fusionnel mais contrarié avec sa première épouse Joséphine de Beauharnais. Tout le film, toute la vie de Napoléon, selon Ridley Scott, ont pour centre cette passion pour Joséphine, au point que le réalisateur s’autorise toutes sortes d’écarts d’avec la réalité historique. Ainsi, si Napoléon quitte précipitamment la campagne d’Egypte, c’est, d’après le film, parce qu’il soupçonne Joséphine de le tromper. Ou encore, quand Napoléon quitte l’île d’Elbe pour revenir en France, c’est, en partie, parce qu’il espère revoir Joséphine. Il ne cesse d’ailleurs, au cours de ses déplacements, de lui écrire des lettres enflammées.
Que la passion de Napoléon pour Joséphine ait tenu une place importante dans sa vie, c’est plus que probable, mais de là à en faire un pivot ! Pour la plupart des historiens interrogés au sujet de ce film, Ridley Scott ne fait rien d’autre que reprendre à son compte les portraits peu flatteurs que les Britanniques contemporains de Napoléon se plaisaient à brosser, portraits évidemment caricaturaux. Or même les historiens anglais d’aujourd’hui ont pris leurs distances d’avec ces déformations de propagande du passé. Mais pas Ridley Scott !
Cette représentation désuète de Napoléon dessert considérablement le film et, pis que tout, elle engendre chez le spectateur beaucoup de lassitude. On peut se réveiller au cours des scènes de batailles et, le reste du temps, somnoler devant la fadeur d’un film déplorablement réducteur.
4/10
Luc Schweitzer
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