Un film de Stéphane Marchetti.
Depuis Welcome (2009) de Philippe Lioret jusqu’à, tout récemment, Moi Capitaine de Matteo Garrone, en passant, entre autres, par Les Survivants (2022) de Guillaume Renusson, le cinéma a déjà maintes fois exploré le sujet de l’immigration clandestine. Néanmoins, on peut remarquer que, en règle générale, chaque réalisateur se distingue par une certaine singularité, une approche particulière, un angle plus ou moins inédit. Et puis, quand on aborde un tel sujet, on peut espérer avoir affaire à des spectateurs qui ne sauraient être blasés.
Stéphane Marchetti, qui signe là son premier long-métrage de fiction, parvient à se démarquer des autres cinéastes essentiellement grâce au personnage joué par Florence Loiret Caille, une femme de 45 ans prénommée Marie, dont on découvre d’emblée qu’elle n’arrive pas joindre les deux bouts. Ce qu’elle gagne avec son petit boulot de serveuse dans un bar ne peut lui suffire, pas même pour payer la location du mobil home où elle réside à l’année. Menacée d’être délogée par le gérant du camping, elle n’a pour seule solution que de trafiquer des cigarettes qu’elle va chercher en Italie et qu’elle parvient à faire passer en France grâce à la complicité d’Alex (Jonathan Couzinié), un policier dont elle est l’amante.
Or, c’est précisément à l’occasion d’une de ces virées que Marie croise la route d’un migrant surgi, la nuit, sur un col enneigé du côté italien. Souleymane (Saabo Balde) est décidé à tout faire pour rejoindre sa petite sœur qui l’attend à Calais, avec le projet de passer ensuite en Angleterre. Pour parvenir à ses fins, le garçon a besoin d’argent. En somme, Marie et Souleymane sont dans la même situation : tous deux ont grand besoin de gagner rapidement beaucoup d’argent ! La suite est logique : tous deux s’associent, après un marchandage acharné, pour faire passer en France non plus des cigarettes mais d’autres migrants, et il n’en manque pas !
Les risques sont grands, mais Marie compte bien ne pas se faire prendre, grâce au concours de son amant policier, à qui, cependant, elle se garde bien de dire la vérité : ce ne sont plus des cigarettes qu’elle transporte, mais des êtres humains ! Il serait, dès lors, tentant de brosser un portrait en négatif de cette femme qui se rend complice d’un tel trafic. Lors d’une des scènes, une femme qui travaille pour la Croix Rouge et qui a deviné à quel jeu dangereux se livre Marie lui exprime son mépris. Mais le regard du réalisateur, quant à lui, se garde d’être aussi tranché. Tout n’est pas si simple. Marie est une femme aux abois, en froid avec sa fille, elle a grand besoin d’argent, certes, mais l’on perçoit, à l’occasion de certaines scènes, qu’il serait injuste de la qualifier de mauvaise.
Le film atteint son apogée lors d’une séquence de survie en montagne, alors que se déchaîne une tempête de neige. Florence Loiret Caille exprime superbement ce qu’il y a de meilleur en cette femme qu’elle incarne et qui ne saurait être catégorisée de manière simpliste. Elle, qui ne voulait pas « faire dans l’humanitaire », n’en est pas moins réceptive à la détresse d’autrui. Son rebond salutaire ne peut laisser quiconque insensible.
7,5/10
Luc Schweitzer
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