Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

DAAAAAALI !

Un film de Quentin Dupieux.

 

 

Chaque fois que sort un nouveau film de Quentin Dupieux et il en sort beaucoup (Yannick était projeté sur nos écrans en août dernier), je me frotte les mains et me réjouis d’avance à l’idée de découvrir ce qu’a encore imaginé ce cinéaste à la créativité débordante et à l’imagination prolifique. Je ne suis jamais déçu. Même lorsque Dupieux s’aventure dans les histoires les plus loufoques (par exemple dans Fumer fait tousser ou dans Les Mandibules où deux zigotos transportent dans leur voiture une mouche géante), il le fait avec une sorte d’évidence qui transforme les situations et les événements les plus improbables en quelque chose de totalement réjouissant et pour les yeux et pour l’esprit. Le surréalisme le plus effréné, l’absurde le plus démesuré, tout ce qu’apprécie tant Quentin Dupieux, devait, en somme, le conduire à ce personnage égocentrique, excentrique et délirant que fut Salvador Dali.

Bien sûr, s’agissant de quelqu’un d’aussi extravagant que Dali, il ne pouvait être question d’un biopic en bonne et due forme à la manière du film dénué d’inventivité de Frédéric Tellier sur l’Abbé Pierre. Au contraire, ce à quoi se livre Dupieux, c’est à un antibiopic, c’est-à-dire à une approche libre et onirique de Dali, ou plutôt de Daaaaaali car, première des caractéristiques du film, le rôle du peintre surréaliste est endossé par 5 acteurs (d’où la multiplicité des a dans le titre du film) : Gilles Lellouche, Edouard Baer, Jonathan Cohen, Pio Marmaï et (en Dali transformé en vieillard) Didier Flamand. Tous ces acteurs ne font pas preuve, reconnaissons-le, d’un même talent pour incarner le phénoménal Dali à l’écran, mais peu importe. Tout ici est si jouissif que ce petit défaut non seulement ne compte pas mais même, tout bien considéré, en rajoute au plaisir que l’on éprouve en tant que spectateurs.

Spectateurs, nous le sommes sans doute, mais non sans participation de notre part, car le film, tout entier empreint d’onirisme, sollicite notre attention tout comme notre propre imagination ou notre adhésion à une histoire ou plutôt à des histoires abracadabrantes et entremêlées sans souci de logique comme celles qui habitent nos rêves. Dali, précisément, se plaisait à peindre de ces scènes surréalistes, comme dans le tableau intitulé Fontaine nécrophilique coulant d’un piano à queue, que Dupieux s’amuse à reproduire (« en vrai ») au début de son film. Une autre scène montre Dali peignant un homme au crâne mou en excroissance, qu’il est obligé de soutenir par un bâton fourchu.

En fait, Dupieux prend un malin plaisir à nous égarer pour nous mieux retrouver au moyen de deux histoires ou de deux approches du personnage haut en couleurs qu’était Dali (interprété, rappelons-le, par plusieurs acteurs). D’une part, il est question d’une apprentie journaliste (auparavant, elle était pharmacienne, alors que Dali préfère l’imaginer en boulangère !), jouée par Anaïs Demoustier, journaliste qui ambitionne de débuter sa carrière par un coup d’éclat en interviewant Dali en personne. Cette tentative d’interview, toujours plus ou moins mise en échec ou détournée, transformée par Dali lui-même, donne lieu à quantité de variations des plus savoureuses et des plus saugrenues, le peintre égocentrique ne supportant pas de ne pas occuper toute la place tout en réalisant lui-même, paradoxalement, un film sur son intervieweuse ! Une autre des variations sur ce projet d’interview, particulièrement intrigante, nous fait voir Dali marchant dans un couloir d’hôtel tout en faisant (apparemment) du surplace !

L’autre approche est, elle, résolument onirique. Elle se déploie, dans le film, comme une succession sans fin de mises en abyme à partir d’un rêve raconté à Dali par un ecclésiastique. Tout ici est totalement vertigineux car, chaque fois qu’on croit que le rêve est achevé, c’est pour réaliser ensuite qu’en vérité il continuait. Inutile d’en dire davantage sur le contenu du rêve (il faut en laisser la surprise à qui verra le film), mais on peut remarquer que, durant tout le long-métrage, c’est la notion de temps, de durée, qui est distordue. Un tableau fameux de Dali, La Persistance de la Mémoire avec ses montres molles, est sous-jacent à tout le film sans qu’il soit besoin d’y faire explicitement référence.

Au bout du compte, on peut légitimement se demander si ce n’est pas le film dans son ensemble qui est de l’ordre du rêve. Rêve de qui ? De Dali ? De Dupieux ? De nous ? Rêve, quoi qu’il en soit, que le réalisateur a mis en scène avec un sacré talent. Le Dali de Dupieux, osons le dire, c’est géniaaaaaal !  

8/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer

Tag(s) : #Films, #Comédie, #Peinture
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :