Une œuvre musicale pour ballet de Thomas Adès.
Né en 1971, le britannique Thomas Adès est considéré, à juste titre, comme l’un des compositeurs et chefs d’orchestre les plus doués d’aujourd’hui. On lui doit, entre autres, les opéras The Tempest (2004), d’après la pièce éponyme de Shakespeare, et The Exterminating Angel (2016), adapté d’un film de Luis Buñuel. Et on lui doit aussi ce Dante Project, musique de ballet (qui fut programmé à l’Opéra de Paris en mai 2023) s’inspirant de la Divine Comédie.
Puisque cette œuvre est disponible en cd, dans une belle interprétation de l’orchestre philharmonique de Los Angeles et du Los Angeles Master Chorale dirigés par Gustavo Dudamel, et même si rien ne vaut, sans doute, d’assister au ballet, ne boudons pas notre plaisir. Le périple initiatique à travers l’Enfer, le Purgatoire et le Paradis qu’imagina et écrivit, dans une langue superbe, le poète italien du XIVe siècle est ici interprété musicalement de manière si intense et si colorée qu’il y a tout lieu d’en être subjugué, même sans le soutien d’une chorégraphie. Le compositeur, et il l’assume pleinement, a d’ailleurs emprunté certains de ses thèmes musicaux à plusieurs de ses illustres prédécesseurs, Stravinsky, Puccini, Berlioz et, surtout, Franz Liszt (1811-1886) qui composa lui-même, en 1855-1856, une Dante Symphonie. Comme un clin d’œil malicieux, Thomas Adès s’autorise ainsi à réécrire une pièce musicale de Liszt dans un segment intitulé… Les Voleurs. Tous ces emprunts ne suppriment aucunement ni l’homogénéité de l’œuvre d’Adès ni sa singularité.
La première partie, L’Enfer, la plus longue, se divise en treize segments qui accordent toute sa place à la rutilance orchestrale qui donne sa couleur propre à chacun des « cercles » infernaux ici évoqués : du désespoir à Satan, en passant, entre autres, par les suicidés, les hypocrites ou, même, les Papes ! La deuxième partie, Le Purgatoire, affirme d’emblée son originalité en s’inspirant, cette fois, de mélismes moyen-orientaux et en faisant entendre les incantations du hazzan appelant à la prière. Le Purgatoire n’est-il pas, par définition, un lieu de transition et n’est-il pas licite de prier pour pouvoir en sortir ? Enfin, avec Le Paradis, la partie la plus brève de l’œuvre, Thomas Adès propose une montée, quelque peu répétitive, reconnaissons-le, vers la lumière, exprimée au moyen du surgissement, in fine, d’un chœur féminin. L’effet en est superbe, même s’il faut reconnaître que cette troisième partie reste la moins captivante de l’œuvre. En somme, il est plus aisé d’exprimer les tourments infernaux ou les souffrances mêlées d’espoir du Purgatoire que l’extase du Paradis ! Comme le dit le compositeur lui-même dans une interview : « C’est une problématique bien embarrassante pour Dieu : le péché est un peu plus affriolant » ! Ce que confirment les tympans des églises sur lesquels sont sculptées des représentations du Jugement dernier, comme à Conques, dans l’Aveyron : il est bien plus intéressant de détailler les tourments des damnés que les postures figées et ennuyeuses des élus !
9/10
Luc Schweitzer
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