Un film de Ilker Çatak.
Malgré son titre, il ne faut pas s’attendre à une simple variation sur le métier de prof, avec ses difficultés qui ne suppriment pas la passion d’enseigner, comme dans Un Métier sérieux, le dernier film de Thomas Lilti. Dans le cas présent, il s’agit plutôt d’un huis-clos (on ne quitte jamais le collège de Hambourg où se déroulent les faits) en forme de thriller à suspense, ceci s’appuyant sur le contraste entre l’enseignement donné, basé sur le raisonnement et la logique, et les relations sociales complexes qui, quoi qu’on fasse, ne sauraient être circonscrites par des principes mathématiques.
Or, le personnage principal du film n’est autre, précisément, qu’une professeure de mathématiques (et de sport) nommée Carla Nowak (Leonie Benesch) qui, alors que son métier lui impose d’enseigner la rigueur intellectuelle, se trouve elle-même prise en défaut au point de se retrouver happée par un engrenage qui ne laisse rien ni personne indemne : ni elle-même, ni ses élèves et, en particulier, Oskar, le plus brillant d’entre eux, ni les autres professeurs, ni le personnel de l’établissement scolaire, comme si, irrémédiablement, il fallait se diriger vers le chaos.
Tout part d’une histoire de vols qui pourrait presque sembler banale. Or, dès ce moment, cela dérape, du fait de la directrice de l’établissement et de certains enseignants qui n’hésitent pas à user de pression sur les élèves et à les inviter à la délation. Les soupçons se portent alors sur Ali, le seul élève d’origine turque de la classe, coupable désigné mais peut-être sur le mode raciste. Carla Nowak est choquée par les méthodes de ses collègues.
Pourtant, bientôt, c’est elle qui se trouve prise dans l’engrenage des soupçons et des accusations, elle qui a laissé délibérément son manteau dans la salle des profs mais avec la caméra de son téléphone portable allumée. Plus tard, en effet, elle découvre que son porte-monnaie a été vidé d’une partie de l’argent qu’il contenait. Et, quand elle visionne ce que le téléphone portable a filmé, elle reconnaît le chemisier de la responsable de l’accueil de l’établissement, Mme Kûhn, par ailleurs mère d’Oskar, élève brillant s’il en est. De là à accuser cette dernière auprès de la directrice, Mme Böhm, il n’y a qu’un pas que Carla Nowak ne tarde pas à franchir.
Tout est en place, alors, pour que se mette en branle un engrenage qu’il semble bientôt impossible d’arrêter. Les accusations de Carla sont fragiles et la méthode qu’elle a employée (filmer, à leur insu, ses collègues) prohibée. Poussés par Mme Kühn et son fils Oskar, des élèves se rebellent contre leur professeure ; d’autres, qui tiennent un journal interne au collège, mènent l’enquête ; Carla Nowak doit faire face à des parents d’élèves en colère ; etc.
En vérité, ce que le film tend à montrer, c’est que, si Carla Nowak a des choses à se reprocher, il en est de même de tous les autres enseignants et membres de l’établissement scolaire. Les méthodes inquisitoriales de certains d’entre eux n’ont pas de quoi les rendre fiers. Néanmoins, on peut dire que c’est Carla qui, du fait de son manque de rigueur, a initié un processus devenu quasi incontrôlable et qui pourrait faire exploser tout le fonctionnement de l’établissement. Il n’est pas interdit de percevoir, dans cette histoire, une métaphore de la société allemande dans son ensemble. Elle aussi, du fait de ses divisions, pourrait un jour exploser...
8/10
Luc Schweitzer