Un film de Maxime Rappaz.
Les premiers plans de ce film, le premier long-métrage du genevois Maxime Rappaz, surprennent. Une femme d’une cinquantaine d’années, dont on apprend plus tard qu’elle se prénomme Claudine (Jeanne Balibar), voyage en train, puis marche le long d’un lac artificiel créé par un barrage avant d’entrer dans un hôtel et de s’adresser, confidentiellement, au garçon de service. On devine aussitôt qu’il existe une complicité de longue date entre ces deux-là. La femme s’enquiert des clients attablés dans la salle de bar et le garçon lui en désigne un qui paraît convenir. La femme glisse discrètement un billet au garçon avant de s’approcher du client sélectionné. Une conversation s’engage, conversation sur les origines de l’homme, son pays, sa ville. Puis, sur une invitation de la femme, tous deux se dirigent vers la chambre de l’homme pour y faire l’amour.
De quoi s’agit-il ? D’une histoire, somme toute banale, de prostitution occasionnelle ? La suite du film indique que cette étiquette ne convient pas. En effet, quand Claudine rentre chez elle, c’est pour y retrouver son fils Baptiste (Pierre-Antoine Dubey), un garçon polyhandicapé dont elle a confié la garde, pour la journée, à une voisine, avant de le retrouver pour s’occuper de lui en mère aimante et dévouée. Couturière de son métier, Claudine cherche, par tous les moyens, à donner de la joie à son fils, y compris en lui mentant, en lui lisant des cartes postales qu’elle a elle-même écrites en se servant des descriptions de villes étrangères prononcées par ses amants de passage, faisant croire ainsi que les cartes en question ont été écrites, depuis chacune de ces villes, par le père de Baptiste.
Dès lors, on ne tarde pas à comprendre comment s’organise la vie de Claudine. Couturière et mère vigilante et zélée d’un fils handicapé fasciné par Lady Di, elle s’accorde toutefois une journée par semaine, le mardi, pour, ayant confié son garçon à la voisine, s’abandonner dans les bras d’un amant de passage à l’hôtel du barrage de la Grande Dixence. C’est davantage qu’un simple rituel, c’est aussi et surtout une manière d’équilibre, de tentative de rompre un peu une solitude trop pesante.
Or, voilà qu’un mardi, l’homme que rencontre Claudine, celui avec qui elle fait l’amour, un certain Michael (Thomas Sarbacher), se montre plus tendre et plus attentionné que les autres, au point que survient un grand désir de se revoir. Cet homme, venu en Suisse pour des raisons professionnelles, devra, cependant, tôt ou tard s’en aller pour une autre destination. C’est alors que la vie de Claudine se met à vaciller. Que faire ? Est-il possible de faire le choix de partir avec Michael en laissant, derrière soi, Baptiste (qui serait alors confié à une institution pour handicapé) ?
Si l’ensemble de son casting est totalement crédible, le réalisateur fait le choix judicieux de privilégier le regard féminin, celui de Claudine, partagé entre ses désirs de femme et son dévouement de mère. Malgré quelques longueurs, le film touche juste et suscite l’intérêt du fait de sa singularité. 7/10
Luc Schweitzer
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LAISSEZ-MOI Bande Annonce (Cannes 2023) Jeanne Balibar, Film Drame
LAISSEZ-MOI Bande Annonce (2023) Jeanne Balibar, Film Drame © 2023 - Eurozoom