Un film de Amanda Nell Eu.
Récompensé par un Grand Prix à la Semaine de la Critique à Cannes, voici un étonnant film malaisien, à mi-chemin entre le film social et le film fantastique. La jeune réalisatrice, Amanda Nell Eu, dont c’est le premier long-métrage, y explore, de manière audacieuse, le corps féminin et l’identité féminine dans le contexte de son pays, la Malaisie. Pour ce faire, elle a confié un rôle incroyablement difficile à la toute jeune actrice en herbe Zafreen Zairizal, qui l’assume à merveille.
Zaffan, c’est son prénom dans le film, se distingue, dès le début, en défiant les codes dans lesquels on veut enfermer les filles en Malaisie. Collégienne turbulente, elle se joue des vêtements que portent quasiment toutes les adolescentes de l’école, toutes voilées et revêtues d’habits amples qui dissimulent, le plus possible, le corps. Or, c’est justement le corps, ce corps féminin, qui s’impose dans le film, à commencer par l’apparition, chez Zaffan, de ses premières règles. La réaction des autres élèves est brutale : leur dégoût se manifeste par le mépris, les moqueries, la cruauté, le rejet.
Zaffan, quant à elle, après avoir essayé de conserver l’amitié de ses camarades de classe, en vient à s’accepter comme elle est, mais dans un esprit de révolte contre les diktats que la société, les familles, l’école, imposent aux filles. Le film, alors, s’oriente vers le fantastique, filmé à l’ancienne, avec une surprenante métamorphose du corps à la clé. La réalisatrice parvient à trouver un équilibre entre le regard social et les scènes fabuleuses, en tirant parti des formidables décors de jungle de son pays. L’imaginaire fantastique y est à sa place, tout en restant stupéfiant.
Au passage, la cinéaste étrille avec brio le charlatanisme d’un soi-disant exorciste qui prétend pouvoir chasser le mal. En fait de mal, c’est plutôt du côté d’une société engoncée dans ses préjugés sur les femmes qu’il faut regarder. C’est ainsi qu’on peut comprendre ce film.
7,5/10
Luc Schweitzer