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20 000 ESPÈCES D’ABEILLES

Un film de Estibaliz Urresola Solaguren.

 

 

La question de la transidentité a déjà été traitée plusieurs fois au cinéma, par exemple dans Tomboy (2011) de Céline Sciamma ou dans Girl (2018) de Lukas Dhont, pour citer les films les meilleurs sur ce sujet, elle l’est à nouveau dans ce long-métrage de la réalisatrice basque espagnole Estibaliz Urresola Solaguren, et ce au moyen d’une justesse de regard et d’une délicatesse admirables.

Toute l’action du film se déroule au cours d’un été. Ane, une femme en pleine crise à la fois professionnelle (elle est sculptrice) et sentimentale, décide d’emmener ses trois enfants en vacances dans la maison familiale de son enfance, non loin de la frontière franco-espagnole, où vivent sa mère et sa tante Lourdes, tandis que Gorka, le mari d’Ane et père des trois enfants reste en France sous un prétexte quelconque.

La réalisatrice prend le temps de nous familiariser avec tout ce monde, très féminin, ne nous faisant découvrir que petit à petit la singularité de la plus jeune des trois enfants (l’aînée est une fille, le deuxième un garçon). Au début, quand on voit paraître à l’écran Aitor, que tout le monde surnomme Coco, on se demande si l’on a affaire à un garçon ou à une fille. Le visage, entouré de cheveux longs, est androgyne. En vérité, comme nous le fait découvrir avec subtilité la réalisatrice, il s’agit d’une enfant en recherche d’identité, ayant certes un corps de garçon, mais ne pouvant pleinement se réaliser soi-même que comme fille. Une fille dans un corps de garçon, en somme, et qui, vers le milieu du film, souhaite adopter son prénom véritable, celui qu’elle s’est choisie : non plus Aitor, ni Coco, mais Lucia !

Pour en arriver là, l’enfant doit en passer par toutes sortes de mises à l’épreuve, parfois de crises, de colères, mais aussi de questions posées aux adultes, de paroles échangées, etc. Il faut dire que Coco (appelons-la comme ça) doit composer avec une famille peu conventionnelle : sa mère, travaillant d’arrache-pied à ses sculptures dans l’atelier qu’occupait son propre père, lui-même sculpteur ; sa grand-mère, quelque peu bigote, qui prétend que « tout ce que Dieu fait est parfait », ce qui laisse Coco dubitative ; sa tante Lourdes, non seulement celle qui lui fait découvrir les joies de l’apiculture, mais aussi celle qui est le plus à l’écoute de Coco et qui perçoit, la première, sa particularité.

Alors qu’Ane, la mère, est débordée par son travail et ses difficultés de toutes sortes, c’est la tante (avec, aussi, dans une moindre mesure, le frère) de Coco qui fait preuve de la meilleure qualité d’écoute de l’enfant. D’une certaine façon, c’est elle qui aide Coco à se penser au féminin, à prendre conscience de son identité, jusqu’à vouloir adopter le prénom de Lucia. Cette révélation, il faut aussi qu’Ane, la mère, puisse l’accepter, au lieu de faire la sourde oreille et de s’enfermer dans ses refus.

En dehors de la tante, c’est auprès d’autres enfants que Coco/Lucia peut s’affirmer telle qu’elle est sans être rejetée. Ainsi auprès de son frère, comme je l’ai déjà dit, mais aussi auprès d’une petite camarade de jeux, Niko qui, non encore encombrée de préjugés d’adultes, accepte Coco/Lucia avec une simplicité désarmante.

« Pourrais-je mourir et renaître en petite fille ? », demande Coco lors d’une des scènes du film. La réponse vient aussitôt : il n’est pas besoin de mourir et de renaître, il n’y a pas à attendre une prochaine existence, c’est ici et maintenant que la petite Lucia (interprétée avec une incroyable conviction par la jeune Sofia Otero) doit être acceptée et aimée telle qu’elle est.   

8/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer

Tag(s) : #Films
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