Un film de Élise Girard.
On a beau avoir déjà vu Isabelle Huppert dans un très grand nombre de films, on n’en est pas moins toujours surpris par son aisance à endosser tous les rôles. Quel que soit le personnage qu’elle est amenée à interpréter, elle le fait avec une sorte d’évidence qui laisse pantois. Manifestement, il y a chez elle une intuition et une perception très juste des gestes qui conviennent et du ton qu’il faut adopter ainsi que des attitudes à préférer dans chaque situation. Elle ne se trompe jamais.
Ainsi devine-t-on, dès le début de ce film, que Sidonie, son personnage à l’écran, porte en son être une douleur qui la rend hésitante et incapable de se sentir bien quelque part. Comme le lui dira son éditeur japonais Kenzo Mizoguchi, « les gens comme nous partagent un pays secret, sauf que ce pays où nous vivons n’existe pas. » Pourtant, mais à condition d’accepter de lâcher prise, quelque chose peut changer, peut-être de l’ordre d’une guérison intérieure.
C’est ce que raconte ce film plein de grâce en suivant les traces de Sidonie, écrivaine en panne d’inspiration, au Japon, ce pays qui convient si bien aux errements des occidentaux en proie au mal de vivre, comme dans Lost in translation (2003) de Sofia Coppola. Accueillie et accompagnée, tout au long de son séjour, par Mizoguchi, son éditeur, elle n’est pas là pour un nouveau livre, puisqu’elle ne parvient plus à écrire, mais pour la ressortie de son premier ouvrage.
Au gré des hôtels, des séances de dédicaces, mais aussi des voyages dans différents lieux, Sidonie se laisse toucher par Mizoguchi au point, petit à petit, de réussir à lâcher prise. Elle qui, au départ, ne voulait pas se séparer de son sac à main, l’abandonne maintenant volontiers aux bons soins de son guide. C’est un des signes de son déplacement intérieur, d’une confiance retrouvée, peut-être d’une insouciance.
Comme le fait découvrir, en douceur, le film, on a affaire à deux êtres meurtris, Sidonie parce que son mari est décédé, Mizoguchi parce qu’il est seul, bien que marié, mais devenu incapable de communiquer avec sa femme. Deux êtres esseulés au Japon, comme dans Lost in translation ! Sauf qu’ici s’ajoute un troisième personnage, un fantôme ! Pas de quoi s’affoler, selon Mizoguchi : au Japon, les fantômes sont partout, et les humains savent qu’ils vivent en leur compagnie.
Faire intervenir un fantôme dans un film n’est jamais chose aisée, mais Élise Girard s’y prend plutôt bien. On n’a pas de peine à y croire, à ce fantôme-là, comme on croit volontiers que, guidée par son éditeur bienveillant et par son fantôme tout aussi secourable, séduite aussi par la beauté des paysages japonais, Sidonie en vient à trouver une forme de paix (et son inspiration).
8/10
Luc Schweitzer
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Sidonie au Japon - Bande-annonce
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