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FOUDRE

Un film de Carmen Jaquier.

 

Dans un livre d’entretiens (Le cinéma en partage, réédité récemment chez Rivages), le regretté Michel Ciment (1938-2023) faisait la constatation que les critiques de cinéma avaient, de plus en plus, une fâcheuse tendance à négliger l’aspect visuel (pourtant fondamental) des films au profit du scénario. Je commencerai donc par dire que Foudre est un film superbe du point de vue de la qualité des images, des cadres choisis et des décors, que ce soit en intérieur ou à l’extérieur, dans les montagnes suisses. La photographie est de toute beauté et certains éclairages si réussis qu’ils sont quasi picturaux. Reconnaissons néanmoins quelques défauts, en particulier des gros plans assez maladroits, mais ils sont minimes et excusables dans la mesure où l’on a affaire au premier long-métrage de Carmen Jaquier.

Le pari n’était pas gagné d’avance, il était audacieux, puisqu’il s’agit d’un film d’époque dont l’action se situe au début du XXe siècle dans une vallée du sud de la Suisse. À cette époque, les parents qui donnaient naissance à plusieurs filles en plaçaient volontiers une, encore très jeune, dans un couvent. C’était une bouche de moins à nourrir doublée d’une sorte de garantie de salut éternel. Or voilà qu’une novice de 17 ans, Elisabeth (Lilith Grasmug), est renvoyée dans sa famille après cinq années passées au couvent et alors qu’elle s’apprêtait à prononcer ses voeux. En effet, sa sœur aînée, Innocente, étant soudainement décédée, ses parents la réclament comme soutien pour les travaux de la ferme.

De retour chez elle, Elisabeth, ayant retrouvé ses parents ainsi que ses deux petites sœurs, ne tarde pas à poser des questions sur la mort de sa sœur aînée, mais se heurte à un mur de silence. La mère refuse de parler d’Innocente. Quant au curé, il estime que l’âme de la défunte est perdue et qu’il est inutile de prier pour elle ! (On comprend alors que celle-ci s’est suicidée). Le film prend bientôt sa tournure nouvelle  lorsqu’Elisabeth, d’une part se rapproche de trois garçons du village (les espionnant même dans leurs occupations très privées), d’autre part met la main sur un carnet, une sorte de journal intime que tenait Innocente.

L’ex-novice découvre alors un territoire inexploré, celui d’une quête qui concilie la sensualité et la mystique. Telle est la teneur du journal d’Innocente, telle est l’expérience que ne peut manquer de vivre, à son tour, Elisabeth. Mais n’est-ce pas prendre le risque de subir le même sort que la défunte ? Dans ce village reculé de la Suisse où le curé exerce un pouvoir quasi absolu, certaines fautes sont sévèrement punies. Et quand il s’agit de sévir, ce sont toujours les filles qui pâtissent davantage que les garçons. Reste cependant une histoire de désir et de transgression, avec parfois des accents quasi mystiques, qui à la fois surprend et fascine !  

7,5/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer

Tag(s) : #Films, #Drame
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