LE DEUXIÈME ACTE

Un film de Quentin Dupieux.

Un peu plus de trois mois à peine après la sortie de l’excellent Daaaaaali !, Quentin Dupieux est déjà de retour, qui plus est avec un film projeté à l’ouverture du festival de Cannes. Ce n’est certes pas moi qui m’en plaindrai, tant j’apprécie, et de plus en plus, ce cinéaste. Depuis Réalité, sorti en 2014, Dupieux, après avoir filmé quelques comédies fauchées et, parfois, drolatiques, propose des films plus ambitieux, quoique quelquefois foutraques, ne nécessitant généralement pas de grands moyens, mais toujours à la fois impertinents, amusants et perspicaces.

À cela, il faut ajouter une certaine constance dans les thématiques abordées. Ainsi, comme il l’avait fait dans Réalité, Quentin Dupieux aborde-t-il à nouveau, dans Le deuxième acte, entre autres problématiques, celle de la frontière fluctuante et indécise entre fiction et réalité. La fiction n’est-elle pas plus réelle que la réalité et la réalité n’est-elle pas, en vérité, de l’ordre d’une fiction ?

Cela étant dit, ne craignons rien, Dupieux n’est pas du genre à assener aux spectateurs de ses films un cours de philosophie, même si, pour ceux qui le veulent, ceux-ci se prêtent volontiers à de grandes cogitations. Mais notre réalisateur est aussi un excellent farceur, un humoriste qui ne rate pas une occasion de faire rire le public.

Tout cela, on le retrouve dans Le deuxième acte, avec cet autre leitmotiv des films de Dupieux qui est la mise en abyme. Elle est bien présente, cette mise en abyme, dans Le deuxième acte, et de façon assez vertigineuse, ce qui ajoute encore au plaisir du spectateur car rien n’est plus agréable que d’être plus ou moins mené par le bout du nez pour aller de surprise et surprise afin d’alimenter encore davantage quelques cogitations internes.

De ce point de vue, Le deuxième acte est un régal dans lequel le réalisateur n’épargne aucun (et aucune) de ses acteurs (et actrice) vedettes : Louis Garrel, Vincent Lindon, Raphaël Quenard et Léa Seydoux. Tous se prêtent, de bonne grâce, à un jeu qui ne ménage pas leurs égos, jouant des personnages détestables, acteurs et actrice dans le film comme dans la vie, mais contraints d’être les protagonistes d’un film (le film dans le film) dont on comprend assez vite que c’est une daube, ce qui provoque de savoureuses querelles (savoureuses pour nous, les spectateurs).

Tous sont détestables, écrivais-je, non seulement parce qu’ils se cherchent des noises, mais aussi parce qu’ils tiennent des propos égocentriques et, parfois, injurieux. Or, méfions-nous, car, comme je l’ai déjà laissé entendre, Dupieux propose une œuvre où l’on ne sait jamais vraiment ce qui est fiction et ce qui ne l’est pas. Tel personnage qui tient des propos quasi homophobes peut, par exemple, apparaître plus tard sous un jour complètement différent.

Enfin, et c’est l’un des aspects les plus intéressants du film, hormis les acteurs vedettes que j’ai nommés, il en est un autre qui tient une place non négligeable dans le film : Manuel Guillot qui joue le rôle de Stéphane, un restaurateur qui reçoit le groupe des acteurs vedettes. Lui, on ne le connaît pas et pour cause, puisqu’il est engagé comme figurant. Or, toute l’astuce de Dupieux, c’est de donner à ce simple figurant une place bien plus importante que celle qui devait lui revenir au départ. Un peu comme une revanche des anonymes, si l’on veut, mais une revanche au goût très amer. Je n’en dis pas plus. Le film, quoique tourné rapidement, séduit par ses choix de mise en scène (longs travellings magistraux centrés sur deux duos d’acteurs marchant dans la nature) comme par les performances d’acteurs et les thématiques, entre autres, en plus de celles que j’ai déjà nommés, celle de la conception et de l’écriture d’œuvres par l’Intelligence Artificielle (IA) ! Vertigineux et inquiétant, vous dis-je !  

8/10

                                                                                     Luc Schweitzer

Le Deuxième Acte - Bande-annonce officielle

LE DEUXIÈME ACTE Au cinéma le 14 mai Un film de Quentin Dupieux avec Léa Seydoux, Vincent Lindon, Louis Garrel, Raphaël Quenard et Manuel Guillot En ouverture du 77ème Festival de Cannes Synop...

https://www.youtube.com/watch?v=7aiYYA7o6_0