Un film de Jessica Palud.
La notion de consentement, quand in s’agit d’actes sexuels, est aujourd’hui largement mise en évidence et c’est évidemment une bonne chose. Malheureusement, il n’en était pas de même il n’y a pas si longtemps et plus d’une femme en a subi les conséquences. Ces actes-là, quand ils ne sont pas consentis, ne peuvent pas être anodins. L’histoire tragique de l’actrice Maria Schneider (1952-2011) en est la démonstration. Mise à la porte de chez elle, comme on le voit au début de ce film, par sa mère qui ne supportait pas que sa fille ait renoué des liens avec son père (qui n’était autre que l’acteur Daniel Gélin), Maria Schneider, alors qu’elle était encore mineure, fut recrutée par le célèbre cinéaste Bernardo Bertolucci en personne pour jouer dans son nouveau film, Le Dernier Tango à Paris (1972), aux côtés du non moins célèbre Marlon Brando (interprété, de manière assez convaincante, dans le film de Jessica Palud, par Matt Dillon).
Comment la jeune actrice en herbe aurait-elle pu ne pas être flattée d’obtenir un tel rôle ? Or, ce film de Bertolucci, comme on le sait fort bien, dut sa célébrité essentiellement à une scène de sodomie qui fut imposée à Maria Schneider contre son gré, sans qu’elle ait été prévenue de ce qui allait se passer. Le film, au parfum de scandale, attira les foules. Mais qui s’est posé la question, à cette époque-là, des conséquences du film et, en particulier, de la scène de sodomie, sur son actrice principale ? Ni Bertolucci ni Marlon Brando ne firent montre du moindre regret. Ils en retirèrent, au contraire, tous les bénéfices. Quant à Maria Schneider, elle ne reçut, dès lors, quasiment que des propositions de films plus ou moins sulfureux dans lesquels on lui proposait de jouer de nombreuses scènes de nu. Fort heureusement, il y eut quelques exceptions notables émanant, en particulier, de Michelangelo Antonioni (Profession : reporter en 1975) et de Jacques Rivette (Merry-Go-Round en 1976).
Néanmoins, comme le montre le film de Jessica Palud, qui a confié le rôle de Maria Schneider à Anamaria Vartolomei, non seulement convaincante mais très impressionnante, l’actrice, humiliée, fut marquée à jamais par ce qu’elle dut subir durant le tournage du Dernier Tango à Paris et par l’image qui lui colla dès lors à la peau. Plutôt que de réaliser un biopic en bonne et due forme, Jessica Palud se concentre sur quelques périodes de la vie de Maria : ses conflits avec sa mère, le tournage du film de Bertolucci, la descente aux enfers de la drogue dure et la liaison avec une étudiante en cinéma (Céleste Brunquell) qui l’encouragea et l’aida à se désintoxiquer. Toujours au plus près de Maria Schneider, de ses meurtrissures, adoptant son regard, Jessica Palud renverse le point de vue généralement adopté durant les années 70, celui des hommes. Ici, c’est le point de vue de la femme, de l’actrice blessée, humiliée, qui l’emporte et ce n’est que justice.
8/10
Luc Schweitzer