Un film de Caroline Poggi et Jonathan Vinel.
« On a [le] désir de faire des films hybrides et monstrueux », expliquent les réalisateurs d’Eat the Night dans une interview à Télérama. Cette volonté se concrétise, dans le film en question, par de constants allers et retours entre la violence factice d’un monde virtuel et celle qui détruit bel et bien des vies dans le monde réel.
Pour Caroline Poggi, « le jeu vidéo n’est pas un monde à côté du monde réel, c’est devenu un prolongement du réel. » De ce fait, que se passe-t-il quand les concepteurs d’un jeu vidéo déclarent soudainement à tous leurs abonnés que celui-ci va bientôt cesser de fonctionner ? Pour ses utilisateurs, c’est bien davantage que la fin programmée d’un divertissement, c’est un monde qui s’écroule et risque de les laisser complètement désemparés, tant ils y ont investi une grande part d’eux-mêmes. Apolline (Lila Gueneau), au début d’Eat the Night, explique, pour elle, le monde virtuel de Darknoon, le jeu dans lequel évolue son avatar, lui est plus nécessaire que le monde réel. On imagine donc ce que c’est, pour elle, que de devoir assister bientôt à la fin de ce monde.
Ce jeu, inventé de toutes pièces par Caroline Poggi et Jonathan Vinel, est aussi un terrain familier, si l’on peut dire, pour Pablo (Théo Cholbi), le grand frère d’Apolline, bientôt rejoint par Night (Erwan Kepoa Falé). La différence, c’est que ces deux-là investissent beaucoup plus de leur temps qu’Apolline dans le monde réel. Et le monde réel, pour eux, prend des couleurs très sombres puisque Pablo parvient à convaincre Night de collaborer au trafic d’ecstasy auquel il se livre. À cela s’ajoute, rapidement, une histoire d’amour et de désir entre les deux garçons, histoire qu’Apolline, quand elle daigne quitter son monde virtuel, découvre avec un sentiment de jalousie. Mais tout change quand c’est une violence, bien réelle et non virtuelle celle-là, qui survient sous la forme d’un gang de trafiquants qui ne voient pas d’un bon œil les deux rivaux empiétant sur ce qu’ils considèrent être leur territoire.
Pris séparément, chaque élément de ce film pourrait, somme toute, paraître presque banal. Mais, mis ensemble, ils composent quelque chose de troublant et d’assez captivant, à la fois histoire d’amour et thriller social avec de grandes plages d’échappées dans le monde virtuel de Darknoon, monde qui, paradoxalement, se prête aussi à de véritables dialogues par claviers et écrans interposés. Dialogues d’autant plus bienvenus qu’on remarquera le regrettable défaut d’élocution de Lila Gueneau dont la diction est si précipitée qu’on ne comprend pas un mot de ce qu’elle dit !
7,5/10
Luc Schweitzer
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EAT THE NIGHT Bande Annonce (2024) Thriller
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