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LE ROMAN DE JIM

Un film de Arnaud et Jean-Marie Larrieu.

 

En 2021, Tralala, film musical des frères Larrieu, m’avait laissé totalement déconfit. Alors que suis un féru de films musicaux, je n’avais aucunement apprécié ce film maladroit et presque uniformément médiocre. Il faut ajouter que je n’en attendais pas grand-chose, car aucun des films des frères Larrieu, avant celui-là, n’avait suscité beaucoup d’enthousiasme de ma part. Ma surprise est d’autant plus grande aujourd’hui car, pour la première fois, avec Le Roman de Jim, l’occasion m’est donnée, et j’en suis heureux, d’encenser un film des deux frangins. Cette fois, oui, sans nul doute, on a affaire à un film mémorable. Peut-être cela tient-il, d’ailleurs, à une mise en scène plus classique (ce qui ne veut pas dire académique) que ce que proposaient habituellement les frères Larrieu, mais qu’importe, la réussite est incontestable.

Ce n’était pourtant pas couru d’avance car il s’agit, dans ce film adapté du roman éponyme de Pierric Bailly, de rendre belle et crédible l’histoire d’un homme gentil ! Or, la gentillesse, c’est peut-être ce qu’il y a de plus difficile à jouer au cinéma, sans verser ni dans la mièvrerie, ni dans la niaiserie, ni dans la bêtise. Mais les frères Larrieu ne se sont pas trompés, ils ont confié le rôle du personnage gentil à l’acteur idéal : Karim Leklou. Avec sa bouille, sa rondeur, son air débonnaire, il est l’acteur parfait. Prénommé Aymeric dans le film, il apparaît d’emblée comme le gars gentil, quitte même à accepter de participer à un cambriolage, ce qui lui vaut quelques mois de prison.

Sorti de cette galère, il retrouve par hasard, un soir de fête, dans sa ville de Saint-Claude dans le Jura, une amie qu’il avait perdu de vue depuis longtemps. Elle, c’est Florence et elle est interprétée par la toujours remarquable Laetitia Dosch. Enceinte de six mois et ayant, dit-elle, quitté l’homme qui l’a mise dans cet état, elle accompagne Aymeric et, comme de bien entendu, la soirée se poursuit au lit. Tous deux se plaisent au point de vouloir rester ensemble. Mais qui sera le père de l’enfant qui va bientôt naître ?, « Le père de l’enfant, répond Florence, sera celui qui sera là au moment de la naissance ».

Bien sûr, c’est Aymeric qui est présent quand a lieu l’accouchement et c’est encore Aymeric qui prend soin du bébé autant que sa maman, puis qui, au fil des années, se comporte comme un père pour ce garçon prénommé Jim, un garçon qui, ayant grandi, l’appelle tout naturellement « papa ». Les Larrieu prennent le temps de bien montrer cette complicité père/fils, entre autres à l’occasion de sorties communes dans les beaux paysages du Jura. Aymeric, l’homme qui aime prendre des photos, est un père à part entière, même si ce n’est pas lui qui « a mis la graine dans le ventre de maman », comme il faudra un jour se résoudre à l’expliquer à l’enfant.

Il faudra l’expliquer d’autant plus que, tout à coup, le film bascule avec la survenue inopinée du « père biologique », Christophe (Bertrand Belin). Ayant perdu tragiquement sa femme et ses enfants, celui-ci est généreusement accueilli par Florence : « il faut bien l’aider », explique-t-elle à Aymeric. Alors se déroule une sorte d’engrenage qui conduit à la dislocation d’une famille et à la recomposition d’une autre : autrement dit, c’est Christophe qui, petit à petit mais inexorablement, se met à occuper la place qui était dévolue à Aymeric. Jusqu’à la séparation inévitable, séparation d’autant plus cruelle à la fois pour Aymeric et pour Jim (pour qui celui-ci reste bel et bien son père) qu’ils seront à des milliers de kilomètres les uns de l'autre, Florence étant résolue à suivre Christophe au Canada avec Jim.

Malgré l’épreuve, Aymeric reste l’homme doux que l’on apprécie depuis le début du film. « Heureux les doux », affirment l’une des Béatitudes. Ce qui n’empêche pas la souffrance, une souffrance que Karim Leklou parvient parfaitement à rendre visible. Certes, quelque chose de beau survient à nouveau dans la vie d’Aymeric lorsqu’il fait la rencontre d’Olivia (merveilleuse Sara Giraudeau), mais la blessure ne saurait se refermer complètement. Y aura-t-il le temps des retrouvailles avec Jim ? Et que se passera-t-il si elles ont lieu, alors que le garçon aura peut-être eu le sentiment d’avoir été abandonné par celui qu’il considérait comme son père ?

Ce beau film qui traite de la gentillesse, celle d’Aymeric (Florence, elle, peut se montrer douce et joyeuse mais aussi terriblement dure, en fonction des circonstances et des personnes), traite aussi de la relation père/fils d’une manière formidablement pertinente, d’autant plus à notre époque où ce qu’on appelle les familles recomposées sont légion. Il le fait, de plus, avec une finesse jamais prise en défaut. Quant au casting et à la direction d’acteurs, ils sont irréprochables. C’est le grand mélodrame de cet été. À ne pas manquer.  

8,5/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer

Tag(s) : #Films, #Mélodrame
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