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VIVRE MOURIR RENAÎTRE

Un film de Gaël Morel.

 

C’est au tour de Gaël Morel de proposer, sur grand écran, sa chronique de l’amour au temps du sida. Après Les Nuits fauves (1992) de Cyril Collard, le film qui fait référence sur ce sujet, après, entre autres, Plaire, aimer et courir vite (2018) de Christophe Honoré, ce nouveau film qui, par son titre et sa thématique, se situe clairement dans le prolongement de ce dernier, n’en adopte pas moins un ton particulier, plus apaisé, plus lumineux, plus optimiste que dans tous les films qui ont précédé. Cela s’explique, entre autres, parce que, contrairement aux Nuits fauves dont l’action se situait en un temps où il n’y avait pas d’espoir de rémission, encore moins de guérison, pour un malade du sida, Vivre mourir renaître se déroule au cours des années 90, en un temps où, grâce aux progrès de la recherche, la maladie pouvait davantage être contrôlée, et où un malade pouvait même quasiment s’en sortir et retrouver une vie quasi « normale », même si ce n’était pas le cas pour tout le monde comme le montre, précisément, le film de Gaël Morel.

Le film démarre au début des années 90, en un temps où des jeunes aiment à se retrouver pour des soirées de rave où la musique électro se conjugue volontiers avec des prises d’ecstasy. C’est au cours d’une de ces soirées que Sammy (Théo Christine) rencontre Emma (Lou Lampros) et que naît leur histoire d’amour. Nous les retrouvons bientôt vivant en couple et parents d’un jeune garçon. Au cours d’une promenade, Sammy fait un aveu à Emma, lui révélant qu’il lui arrive parfois d’avoir des relations sexuelles avec des garçons. Or, précisément, voici qu’un jeune photographe, un certain Cyril (Victor Belmondo) emménage à l’étage au-dessous de leur appartement. Ayant aperçu Sammy en compagnie de son tout jeune fils, Cyril propose à son voisin de les prendre en photo, en vue d’une exposition sur ce thème (père et enfant). Sammy accepte et c’est ainsi que naît et grandit une relation d’amitié qui se transforme en liaison entre Sammy et Cyril (ce dernier ayant, au préalable, appris à Sammy qu’il est séropositif).

Les deux garçons prennent leur précaution, utilisent des préservatifs, et cependant, quelque temps plus tard, Sammy apprend qu’il est, lui aussi, séropositif (on comprend, en creux, qu’il a dû avoir d’autres partenaires que Cyril). Le sida s’est invité dans la vie des personnages, non seulement des deux garçons mais aussi d’Emma qui, alors qu’elle est enceinte d’un deuxième enfant, apprend, elle à son tour, qu’elle est séropositive. Entre Sammy et Emma, malgré la liaison du premier avec Cyril, l’amour était resté vivace, mais c’est une terrible épreuve pour la jeune femme que de se découvrir atteinte du sida, avec le risque d’avoir un enfant porteur de la maladie.

Des crises, il y en a, bien entendu, dans l’histoire de ce trio. Chacun des trois personnages doit porter sa part d’épreuves et, pour l’un d’eux, malgré les progrès de la médecine, c’est la mort qui l’emporte. Néanmoins (et c’est pourquoi le titre du film comporte le mot « renaître » et pas seulement « vivre » et « mourir »), la vie résiste tout de même au pouvoir de la mort. Il est vrai cependant que le prix à payer peut être lourd de conséquences, y compris sur le plan de la créativité. Il y a d’ailleurs un paradoxe intéressant et judicieux dans ce film : c’est en temps de passion et de crise que Cyril réalise ses photos les meilleures, alors que, quand tout est apaisé, il semble avoir perdu ses facultés créatrices. « Quand on croit qu’on va mourir, explique le cinéaste, on est encore vivant et c’est une situation étonnante où on se sent entre deux eaux. » Les trois personnages principaux du film sont séropositifs et pourtant animés par une incroyable force vitale qui peut être source de création. Et c’est quant tout va mieux, que le spectre de la maladie s’éloigne pour deux d’entre eux, que, du même coup, la force créatrice diminue.

Le film est à la fois cruel et solaire et il bénéficie grandement de l’indéniable charisme de ses trois interprètes principaux. 

8/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer

 

Tag(s) : #Films, #Drame
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