Un film de Iciar Bollain.
Dix-huit ans avant la vague #metoo, l’Espagne fut le théâtre d’une histoire de harcèlement sexuel qui lui fit forte impression. C’est cette affaire, qui se déroule au début des années 2000 à Ponferrada, dans la province de León, que retrace, au moyen d’une mise en scène exemplaire, le film de Iciar Bollain.
Tout le but de ce film, en effet, est de retranscrire à l’écran les mécanismes de l’emprise et du harcèlement. Chaque fois qu’il est question d’une affaire de ce genre, la réaction la plus instinctive, c’est de se demander pourquoi la victime n’a pas réagi plus tôt, se débarrassant, dès les premiers signes, de son persécuteur. C’est d’ailleurs, en effet, la teneur du discours prononcé, à la fin du film, alors qu’a lieu le procès, par l’avocat de la défense. Or, le film de Iciar Bollain, en détricotant tout le parcours de la victime et toute la méthodologie, si l’on peut dire, de son oppresseur, montre que, bien sûr, rien n’est aussi simple qu’on l’imagine.
Au départ, tout semble sourire à Nevenka Fernández (Mireia Oriol), jeune femme dynamique de 25 ans, lorsque, ayant attiré son attention, elle est contactée par Ismael Alvarez (Urko Olazabal), le maire de Ponferrada, pour faire partie du conseil municipal. Bientôt, l’édile la choisit même pour occuper l’une des places les plus convoitées de son équipe. En vérité, comme on le découvre rapidement, cette promotion n’est en rien politique, mais n’a pour but, pour le maire, que de pouvoir d’autant plus facilement s’isoler avec la jeune femme dans l’intention de parvenir à ses fins. Ayant cédé aux avances pressantes d’Ismael, Nevenka se retrouve prise au piège. Alors qu’elle ne désire en aucune façon entretenir une liaison avec le maire, elle devient bientôt sa victime, humiliée par son chef devant ses collègues, pressée par ce dernier qui lui envoie message après message sur son téléphone, cherchant à la contraindre, par tous les moyens, à être sa maîtresse. La vie de la jeune femme devient un véritable enfer.
La réalisatrice montre aussi à quel point la jeune femme est isolée dans son combat contre le maire. Même ses parents ne la soutiennent pas, leur seule véritable préoccupation étant d’éviter tout scandale. Quant à son petit ami (car Nevenka a rencontré un garçon avec qui elle se plaît), il lui faudra bien du temps avant de l’assister véritablement dans sa lutte pour obtenir justice. La mise en scène, remarquable de précision, tout comme les interprétations des actrice et acteur principaux, méritent toutes les louanges. On voit véritablement changer le visage de Nevenka à l’écran, d’abord rayonnant au début du film puis, de plus en plus, tourmenté. Quant au maire, ses agissements, sa roublardise, toute la stratégie dont il se sert pour tenter d’obtenir ce qu’il convoite (coucher à loisir avec la jeune femme), tout est parfaitement rendu et analysé par le film. En Espagne, cette affaire est même devenue un véritable cas d’école.
8/10
Luc Schweitzer
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L'AFFAIRE NEVENKA Bande Annonce (2024) Mireia Oriol
L'AFFAIRE NEVENKA Bande Annonce (2024) Mireia Oriol © 2024 - Epicentre Films