Un film de Guillaume Nicloux.
Contrairement à ce qu’affirme un critique (celui de Libération, pour ne pas le nommer), ce film de Guillaume Nicloux, fort heureusement, échappe à tout académisme. Même s’il n’a pas renouvelé fondamentalement le genre, le réalisateur s’est gardé de réaliser un biopic en bonne et due forme de Sarah Bernhardt (1844-1923), il n’a pas essayé de retracer la vie de la grande actrice mais, plutôt, d’évoquer sa personnalité, son aura, sa liberté, ses talents, ses frasques, ses audaces, au moyen de quelques tableaux, quelques instants de vie, bien choisis, qui en disent long sur ce qu’était cette incroyable star de la fin du XIXe et du début du XXe. De plus, pour parfaire ce portrait ainsi conçu, le cinéaste a confié le rôle-titre à l’actrice idoine, Sandrine Kiberlain, qui trouve là une interprétation qui, sans doute, restera la plus spectaculaire de sa carrière. Quel que soit le registre, qu’il s’agisse de signifier l’exubérance de la star tout comme d’exprimer ses volte-face ou ses chagrins, Sandrine Kiberlain excelle au point qu’on pourrait la surnommer, elle aussi, « la divine », comme la comédienne mythique du temps jadis.
Guillaume Nicloux commence par évoquer la star au soir de sa vie, en février 1915, alors que, du fait d’une gangrène, elle doit être amputée d’une jambe, au-dessus du genou. Près d’elle se trouve celui qui fut et reste le grand amour de sa vie, Lucien Guitry (1860-1925), fort bien interprété à l’écran par Laurent Lafitte. Tous deux savent qu’ils n’en ont plus pour longtemps et, comme il se doit, évoquent le temps passé, leurs heures de gloire, à la fin du XIXe, époque où la comédienne défrayait la chronique en défiant les conventions, époque aussi où Lucien s’était entiché d’une jeune actrice du nom de Charlotte Lysès (Mathilde Ollivier) au point d’envisager de l’épouser et de cesser de fréquenter Sarah Bernhardt.
Le réalisateur propose alors d’incessants allers et retours entre 1915 et 1896, année où les proches de l’illustre comédienne organisèrent une fastueuse « journée Sarah Bernhardt », journée qui, du fait de la crise avec Lucien Guitry, tourna à une sorte de cauchemar. Il faut préciser, et le film le souligne, que, sur tous les plans, Sarah Bernhardt affichait sans retenue une liberté des plus insolentes, sans se soucier du qu’en dira-t-on. Libérée de l’abominable corset qui emprisonnait le buste des femmes de ce temps-là, elle put d’autant mieux se dépenser sur scène. Mais c’est sur le plan de sa vie privée qu’elle s’affranchit de toutes les normes restrictives de son temps, prônant l’amour libre, multipliant les amants et les amantes. Car, si elle aima passionnément Lucien Guitry, elle ne se priva pas d’autres conquêtes et se montra volontiers en compagnie d’autres intimes, en particulier la portraitiste Louise Abéma (Amira Casar) qui fut son amante.
Sarah Bernhardt, comme Guillaume Nicloux se plaît à le transposer à l’écran, osa toutes les démesures, ne se privant d’aucune excentricité, au point que, en passionnée des bêtes (chiens, lynx ou boa constrictor !), elle envisagea de se faire greffer une queue de panthère au bas des reins ! Mais, si elle fut aussi et surtout une comédienne de génie, elle afficha, bien en avance sur son temps, non seulement ses convictions féministes mais aussi ses positions politiques : son opposition à la peine de mort, son rejet de l’antisémitisme, sa défense de Dreyfus. Le film nous la montre même convainquant Zola de s’informer sur ce sujet afin d’intervenir en faveur du capitaine injustement condamné. On peut se demander dans quelle mesure ce qu’on voit à l’écran appartient à l’histoire et non pas à la légende. Mais qu’importe ! Quand on a affaire à un personnage aussi peu conventionnel que Sarah Bernhardt, histoire et légende se confondent pour notre plus grand bonheur.
8/10
Luc Schweitzer
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