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JE SUIS TOUJOURS LÀ

Un film de Walter Salles.

 

SI la dictature militaire qui gouverna le Brésil d’une main de fer de 1964 à 1985 ne frappa pas autant les esprits que les régimes impitoyables qui sévirent en Argentine et au Chili, elle n’en causa pas moins de nombreuses victimes, torturées, parfois jusqu’à la mort et il n’est certes pas inutile de le rappeler, à l’heure où ce même pays reste tenté par le populisme d’extrême-droite au point d’avoir eu comme président le déplorable Jair Bolsonaro de 2019 à 2023. Quel que soit les pays (et ils sont nombreux, ceux qui, aujourd’hui, penchent dangereusement du côté de l’extrême-droite, y compris en France), le film de Walter Salles rappelle, à bon escient, qu’on ne peut jamais se fier aux extrémistes de droite quant au respect des droits et de la justice.

Pour ce faire, le cinéaste brésilien, auquel on doit, entre autres, l’excellent Carnets de voyage en 2004, revisite avec talent les faits dramatiquement réels qui frappèrent, au début des années 1970, la famille de l’ex-député travailliste Rubens Paiva. Le film se divise en trois parties dont la deuxième est la plus éprouvante car elle nous plonge, en compagnie d’Eunice, l’épouse de Rubens, dans l’horreur d’une arrestation et d’une détention de plusieurs jours dans un lieu sinistre (une caserne, probablement) où l’on questionne et où l’on torture celles et ceux que l’on considère comme ennemis du régime en place. Pour mettre en scène ce segment, Walter Salles a opté radicalement pour l’adoption du seul point de vue d’Eunice, jouée par cette formidable actrice qu’est Fernanda Torres. Avec elle, nous ressentons ce que veut dire la détention dans un lieu où l’on entend les cris de ceux qu’on torture et où l’on est soi-même interrogé abusivement et intensément durant plusieurs jours et plusieurs nuits.

Ce segment central est d’autant plus impressionnant qu’il est encadré par deux autres parties, l’une presque entièrement joyeuse, l’autre marquée par la résilience et la combativité. Le début du film, en effet, dépeint une famille heureuse dont les membres ne peuvent imaginer le malheur qui va s’abattre sur eux. Si ce n’est un passage de contrôle musclé des passagers d’une voiture, le reste respire la joie de vivre, les jeux sur la plage, les projets des uns et des autres, le bonheur, l’insouciance. La troisième et dernière partie du film, par contre, celle qui se situe après l’arrestation et la disparition de Rubens, la détention d’Eunice et d’une de ses filles et leur libération, montre comment, en dépit du malheur qui l’a frappée, grâce à la force de résilience d’Eunice, cette famille parvient à triompher de la violence et de l’inhumanité, dans un esprit de combativité exemplaire afin d’obtenir, si c’est possible, justice et réparation. C’est bel et bien Eunice qui est le personnage central du film, une battante qui, par la suite, deviendra une avocate des droits des populations amazoniennes. En s’appuyant sur le jeu sans failles de Fernanda Torres et au moyen d’une reconstitution impressionnante du Rio des années 70, Walter Salles réussit un excellent film, émouvant mais sans jamais se fourvoyer dans des excès mélodramatiques.   

8/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer

Tag(s) : #Films
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