Un film d’Adam Elliot.
Nous n’avions plus de nouvelles d’Adam Elliot depuis la sortie, en 2009, de son premier long-métrage, Mary et Max. Eh bien, après tant d’années, voici enfin la parution, sur nos écrans, d’un deuxième long-métrage, Mémoires d’un escargot, qui, comme le précédent, bien que mettant en scène des figurines de pâte à modeler, n’est pas destiné à un public d’enfants. Les histoires que se plaît à raconter ce cinéaste n’ont rien, en effet, des contes de fées, elles sont résolument façonnées d’humanité, de l’humanité dans tous ses états, y compris ceux qui sont les moins reluisants. C’est d’ailleurs l’un des aspects les plus enthousiasmants de ces films que de mettre autant d’humanité dans des personnages qui, rappelons-le, sont faits de pâte à modeler.
Nous retrouvons donc ici le style caractéristique de cet auteur, ses personnages bizarrement proportionnés aux grands yeux expressifs, ainsi que son goût pour les histoires insolites d’apparence très sombres quoique non dénuées de bonnes doses d’humour. L’héroïne, l’anti-héroïne plutôt, de Mémoires d’un escargot se prénomme Grace, jeune fille aux lèvres déformées par un bec-de-lièvre qui fut recousu (le film raconte dans quelles circonstances) quand elle était petite, ce qui n’empêcha pas les moqueries des autres enfants durant sa scolarité. Heureusement, à cette époque-là, Grace trouvait en son frère jumeau, Gilbert, un défenseur et un protecteur ne craignant pas d’affronter les petits durs de la cour de récré.
Précisons-le, tout le film est construit en flashback, puisque c’est Grace elle-même qui raconte, en voix off, sa propre histoire. La jeune fille, portant un bonnet avec des antennes et collectionnant, de manière compulsive, toutes sortes d’objets (que la caméra explore pendant le générique du début du film), à commencer par tout ce ressemble à un escargot. La fine pointe de l’histoire se perçoit aisément : il s’agit, pour cette jeune fille apeurée, qu’on voit très souvent occupée à lire des romans, comme si la lecture était pour elle un refuge contre le monde trop inquiétant, de trouver le moyen de sortir de sa coquille pour oser aller vers les autres.
Cela étant, il est vrai, pour ce qui concerne la noirceur, Adam Elliot ne lésine pas et n’épargne pas ses personnages, Grace et Gilbert. À la mort de leurs parents, séparés pour être placés dans deux familles d’accueil différentes, l’une à Canberra l’autre à Perth (nous sommes en Australie), ils sont contraints de vivre éloignés l’un de l’autre, chacun étant confronté à des épreuves et des adversités. Le pire est réservé à Gilbert qui a le malheur d’être recueilli dans une famille de chrétiens fanatiques qui lui feront subir d’épouvantables avanies quand ils découvriront que le garçon est homosexuel ! Mémoires d’un escargot est un film noir, parfois très noir, qui n’épargne à ses personnages ni la question de la maladie, ni celle de la dégénérescence liée à l’âge, ni celle de la mort. Quant à ce qui touche au sexe, cela est abordé aussi, par petites touches, de manière positive comme de manière négative. Cela dit, ajoutons-le pour ne surtout décourager personne, si le film tire sur le noir, il n’en garde pas moins sa distance, ses mille détails savoureux et/ou inattendus qui l’écartent du marasme. Ce n’est pas un film désespéré, pas du tout, car, même dans les destins les plus sombres, surviennent de belles rencontres et des prises de conscience qui font du bien. Pour Grace, cela passe, en particulier, par la fréquentation d’une femme âgée du nom de Pinky. À cela s’ajoute une multitude de détails intrigants, comme le gâteau au shit ou le dessin formé par les cicatrices sur les bras de Grace et de Gilbert, qui sortent le film de l’abattement. Et puis, en fin de compte, comme je l’ai déjà indiqué, ce à quoi le film invite, c’est à aller de l’avant, envers et contre tous les outrages, et à sortir de sa coquille. Que demander de mieux ?
8/10
Luc Schweitzer
![MÉMOIRES D'UN ESCARGOT - Bande-annonce [STF]](https://image.over-blog.com/j_b08Lu68iIi9iXR7hpQNYx8y-A=/170x170/smart/filters:no_upscale()/https%3A%2F%2Fi.ytimg.com%2Fvi%2FOmCjaghgtTQ%2Fhqdefault.jpg)
MÉMOIRES D'UN ESCARGOT - Bande-annonce [STF]
Bande-annonce officielle de MÉMOIRES D'UN ESCARGOT (v.o.s.t.f. de MEMOIR OF A SNAIL), un film d'animation d'Adam Elliot. Au cinéma le 6 décembre 2024 (sortie québécoise). Synopsis : La vie de ...