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LA PROMESSE

Un roman de Friedrich Dürrenmatt.

 

« Des histoires possibles y en a-t-il encore, des histoires possibles pour un écrivain ? », se demandait Friedrich Dürrenmatt (1921-1990) dans un chapitre introductif à son roman La Panne (1956). De même, au début de La Promesse (1958), un personnage, le commandant H., policier à la retraite, s’interroge-t-il sur la crédibilité des romans policiers. Ceux-ci, en effet, sont, en général, basés sur des questions de logique. Or, dans la réalité, il n’en est pas ainsi : « Le réel, le concret n’a que très peu affaire avec la logique ». De plus, précise le commandant H. à un interlocuteur qui est un auteur de romans policiers, « dans vos romans, le hasard n’intervient pas, ne joue aucun rôle… » alors que, dans la réalité, il n’en est pas ainsi.

Sous-titré « Requiem pour le roman policier », le roman de Friedrich Dürrenmatt ne se soumet donc pas aux règles du genre et l’histoire que se met à raconter le commandant H., qui en fut le témoin, n’entend pas obéir aux conventions. Ainsi Dürrenmatt nous fait-il entrer dans le vif du sujet, l’histoire d’un policier prénommé Matthieu qui, alors qu’il devait se rendre de Suisse en Jordanie du fait d’une collaboration entre les deux pays, est amené à demeurer dans le sien, du côté de Zurich, dans le village de Maegendorf, théâtre d’un crime abominable, l’assassinat d’une fillette, la petite Gritli Moser.

Or, sur place, les policiers s’apprêtent à interroger un témoin du nom de Von Gunten, colporteur de son métier, ce qui, pour les villageois, suffit à le rendre suspect. C’est cet homme qui a trouvé le corps de l’enfant, bientôt identifiée par l’instituteur comme étant la petite Gritli Moser. Cependant, une fois arrivé sur place, Matthieu, contrairement non seulement aux villageois mais aussi aux policiers du cru, ne tarde pas à se convaincre que Von Gunten est innocent. Néanmoins, ce dernier, ayant en vain clamé son innocence, persuadé qu’il sera condamné, de désespoir se pend dans sa cellule. Pour les villageois, pas de doute, l’homme s’est fait lui-même justice.

Jusqu’à cet endroit du récit, le roman de Dürrenmatt semble se conformer aux normes du genre policier mais ce n’est que petit à petit qu’il s’en démarque pour aboutir à une conclusion qui ne correspond pas à ce à quoi s’attend le lecteur quand il lit un polar. En vérité, ce qui intéresse Dürrenmatt par le truchement du narrateur fictif de son roman, c’est le comportement obsessionnel de Matthieu. Car, pour ce dernier, non seulement le suicide de Von Gunten n’a rien résolu mais, il en est persuadé, l’assassin court toujours. N’ayant, comme indice, qu’un dessin qu’avait effectué la petite Gritli, dessin représentant un « géant » distributeur de « hérissons » (qui sont, en vérité, des truffes en chocolat), Matthieu quitte la police, pour qui l’affaire est close, afin de poursuivre son enquête de manière indépendante. Pour ce faire, il imagine de se servir d’un appât pour débusquer l’assassin. Mais l’histoire prend alors un tour inattendu et, si l’on finit par connaître l’identité du meurtrier, disons que ce n’est pas grâce à Matthieu, l’ex-policier qui, à force d’attendre sans fin, a sombré dans une sorte de folie tout en s’approchant très près de la vérité. Ainsi s’achève un roman dont le final se distingue de ce que le lecteur attend d’un roman policier. Comme dit ironiquement son narrateur, [l’histoire] « se termine si misérablement (…), si pitoyablement (…) que je ne vois pas qu’on puisse jamais la risquer dans un roman décent ou au cinéma ».  

8,5/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer

Tag(s) : #Livres, #Romans, #Polar
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