À BICYCLETTE !

4 Mars 2025

Un film de Mathias Mlekuz.

On préférerait avoir affaire à une pure fiction, mais non ! Ce film a été inspiré à Mathias Mlekuz par le suicide bien réel de son fils Youri. Afin de retrouver sa trace, peut-être de sentir sa présence, peut-être aussi d’exorciser une culpabilité, sans doute d’essayer de trouver un sens à ce qui semble n’en avoir aucun, Mathias Mlekuz, accompagné de son ami Philippe Rebbot, a eu l’idée de rallier Istanbul depuis La Rochelle à bicyclette, faisant ainsi le trajet que Youri avait accompli quelques années plus tôt. Là-bas, en Turquie, ils ont l’intention d’y retrouver une jeune Iranienne qui fut la dernière compagne de Youri.

Ni Mathias ni Philippe ne sont vraiment préparés à accomplir ce périple. Youri avait 22 ans quand il s’est lancé dans cette aventure. Mathias et Philippe, eux, sont dans la soixantaine. Le premier accuse quelques kilos en trop, le deuxième n’est disposé à ne se priver ni de cigarettes ni d’alcool. Qu’à cela ne tienne ! Pour Mathias, c’est un acte désespéré pour retrouver son fils, essayer de sentir sa présence contre la mort. Pour Philippe, c’est un acte d’amitié, de fidélité.

De ce voyage qui fut abondamment filmé, nous reviennent aujourd’hui ce que Mathias Mllekuz a retenu pour en faire montage qui, très habilement, parvient à trouver un équilibre entre l’émotion, la tristesse et l’humour. Car de l’humour, il y en a, oui, plus d’une fois, d’autant plus que Mathias n’a pas voulu se séparer de son chien, son fidèle compagnon à quatre pattes. Ajoutons que, comme le fit lui-même Youri, Mathias et Philippe propose, tout au long de leur parcours, un spectacle de clowns destiné aux enfants. Et ça marche ! Mais le summum de l’humour a lieu dans un Airbnb en Autriche, avec une jeune autochtone essayant de pallier la barrière des langues avec son smartphone avant de proposer une savoureuse séance de baignade dans le Danube !

Pour ce qui concerne le registre de l’émotion, les scènes sont nombreuses, ponctuées d’échanges entre les deux comparses, tous deux à la recherche d’une signification, non seulement pour essayer de comprendre Youri, son acte désespéré, mais, plus généralement, pour trouver un sens à la vie. On remarquera tout spécialement les passages par des lieux de culte, chapelle ou église, lieux privilégiés où Mathias et Philippe cherche un signe de vie, d’une vie possible en dépit de la mort. Une scène bouleversante nous fait voir Mathias en pleurs, assis sur un banc d’une église.

Mathias Mlekuz ne cache rien des difficultés du voyage, pas même des moments d’engueulade avec Philippe, moment durant lesquels tous deux semblent ne plus pouvoir se supporter. En fin de compte, fort heureusement, l’amitié l’emporte toujours. Quant à ce périple, même s’il est hanté par la mort, ne peut-on pas le voir, envers et contre tout, comme un hymne à la vie ?

8/10

Luc Schweitzer