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PRIMA LA VITA

Un film de Francesca Comencini.

 

Luigi Comencini (1916-2007) fut un cinéaste incontournable de la grande époque du cinéma italien, marquée par quantité de noms illustres et de films de référence. Il fut, entre autres, un formidable cinéaste de l’enfance, par exemple dans L’Incompris (1967), dans Eugenio (1980) et, bien sûr, dans son admirable adaptation des Aventures de Pinocchio en 1975. Parmi les jeunes figurants de ce film se trouvait la fille aînée du réalisateur, Francesca, née en 1961. Aujourd’hui, c’est elle qui, âgée de 63 ans et elle-même réalisatrice de plusieurs films, rend hommage à son père en se fondant d’abord sur ses souvenirs d’enfance puis sur ceux de son adolescence et de sa prime jeunesse.

Ce film, qu’elle nous propose aujourd’hui, est d’ailleurs bien plus qu’un simple hommage avec ce que cela pourrait signifier de compassé, c’est une relecture très personnelle, privilégiant la relation qu’elle eut avec son père, au point de laisser de côté, si l’on peut dire, les autres membres de sa famille. Il ne s’agit donc nullement d’un film réaliste, mais d’une volonté expresse de se concentrer essentiellement sur cette relation père/fille, ce qui donne lieu à une œuvre intensément délicate et émouvante.

« Prima la vita » : c’est l’expression même que Luigi Comencini prononce fermement à l’occasion du tournage des Aventures de Pinocchio dont Francesca reconstitue magnifiquement quelques moments. D’abord la vie, ensuite le cinéma ! Et c’est bien ainsi, en étant fidèle à cette injonction que le grand cinéaste se conduisit avec sa fille aînée. Dès l’enfance, il fut un père attentif, capable même d’intervenir dans l’établissement où était scolarisée sa fille parce que quelque chose lui avait déplu.

L’enfance et ses frayeurs, l’enfance et ses émerveillements… Mais, bientôt, vient l’adolescence et ses errements. Francesca la vécut durant les années 70 et 80, les années de plomb de l’Italie durant lesquelles l’extrême-gauche se radicalisa au point de s’exprimer par la violence. Elle ne put les traverser en restant indemne. Elle fut surtout entraînée non seulement à se marginaliser mais à consommer de l’héroïne. En père désarmé face à sa fille qu’il voyait se détruire, Luigi laissa tout tomber pour ne plus s’occuper que de Francesca, pour être avec elle 24 heures sur 24, à Rome puis à Paris, afin de la sauver de son addiction. À l’écran, nous voyons un père et sa fille se déchirer, s’aimer cependant sans jamais vraiment se le dire, et ne jamais se quitter. Les choix de mise en scène s’accordent avec cette radicalité. Le film est bouleversant. Il rappelle aussi, de manière assez fine, comment Luigi Comencini sauva de la destruction des films muets, aujourd’hui conservés à la cinémathèque de Milan et dont des extraits sont intégrés dans ce film de Francesca.   

8/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer

Tag(s) : #Films, #Drame
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