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AU PAYS DE NOS FRÈRES

Un film de Raha Amirfazli et Alireza Ghasemi.

 

 

Malgré toutes les difficultés qu’on peut imaginer dans un pays comme celui-là, il n’est plus besoin de démontrer la vitalité du cinéma iranien. Depuis bien des années se sont fait connaître des cinéastes iraniens de grand talent. Raha Amirfazli et Alireza Ghasemi, nouveaux venus à la réalisation et qui signent là leur premier long-métrage, confirment avec brio ce dynamisme.

De plus, leur film se concentre sur un aspect méconnu de la réalité de ce pays, en l’occurrence la communauté des Afghans venus en Iran pour y trouver refuge. Le « pays de nos frères », qui donne son titre au film, c’est précisément l’Iran tel qu’il est désigné par les Afghans. Appellation qui, comme le montre ce long-métrage, s’avère être davantage de l’ordre d’un vœu pieux plutôt que de quelque chose d’effectif. Les flux migratoires n’ont cessé d’augmenter, étant donné les crises qui ne cessent de frapper l’Afghanistan. Mais, en Iran, ce n’est pas la fraternité qui est toujours de mise, il s’en faut de beaucoup.

Pour faire percevoir une part des épreuves que connaissent les réfugiés afghans en Iran, les réalisateurs ont eu la bonne idée d’imaginer un récit en trois parties, chacune étant centrée sur un personnage, le tout courant sur vingt ans, chaque histoire étant donc séparée de la précédente par une dizaine d’années. Cette composition, parfaitement réussie, permet de varier les points de vue, de préserver la singularité des situations, des environnements, des contextes historiques, etc. Chacune des trois parties, néanmoins, par un jeu subtil, au moyen de récurrences, entre en écho avec les deux autres. D’un point de vue thématique, il est au moins un thème qui parcourt l’ensemble du film, celui de la vérité et du mensonge, chaque personnage se résolvant à cacher la vérité dans l’idée de ne nuire ni à ses proches ni à lui-même.

Cela commence en 2001 avec Mohammad, un adolescent intelligent, capable, rempli de désirs, y compris celui qu’il éprouve pour une jeune fille de sa communauté, mais cela se poursuit avec le piège qui se referme sur lui à partir du jour où un policier iranien le réquisitionne pour travailler à son service et pour exiger de lui encore plus, toujours plus, jusqu’à l’asphyxier. Vient ensuite, en 2010, l’histoire de Leila, une jeune Afghane au service de riches Iraniens libéraux mais qui doit cacher à ses employeurs la mort de son mari de peur d’être expulsée et de devoir retourner en Afghanistan. Enfin, en 2020, voici Qasam, un Afghan qui, alors qu’il croyait son fils en Turquie, découvre que ce dernier, contraint de combattre avec les Iraniens en Syrie, a trouvé la mort, terrible nouvelle que Qasam essaie de dissimuler à son épouse, tout cela à l’heure où cette famille est invitée à prêter serment dans le but d’obtenir la nationalité iranienne. Terrible et cruelle ironie. Le pays des frères, c’est un pays d’épreuves et de souffrances, de détresses que les réalisateurs du film suggèrent au moyen d’une mise en scène d’une grande finesse.  

8/10

 

                                                                       Luc Schweitzer

Tag(s) : #Films
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