Un film d’Amélie Bonnin.
C’est Alain Resnais qui, en 1997, pulvérisant l’image de cinéaste « intello » qui lui collait un peu aux basques, innova dans le genre très codifié du film musical en introduisant, dans On connait la chanson, plutôt qu’un répertoire écrit pour le film, des standards de la variété française qui survenaient agréablement et humoristiquement à de nombreuses reprises. On avait d’ailleurs le sentiment que plus les chansons étaient idiotes mieux elles convenaient aux personnages qui, pourtant, n’étaient pas précisément des « idiots ». C’est cette recette qu’applique, à son tour, Amélie Bonnin, après l’avoir essayée dans un court-métrage dont elle reprend ici les principaux personnages, avec un bonheur presque aussi grand que celui qui émanait du film de Resnais. Je dis « presque » parce que, tout de même, l’une ou l’autre chanson arrive un peu comme un cheveu sur la soupe. Cela étant, peut-être que ça participe aussi au charme du film.
Ce qui m’a davantage gêné, au cours de la projection, ce sont quelques baisses de rythme et, surtout, le sentiment, à l’occasion de quelques scènes, d’avoir affaire à une réalisatrice qui s’est surtout souciée de se faire plaisir tout en satisfaisant ses quelques acteurs plutôt que de nous accorder, à nous spectateurs, la place qui devrait nous revenir. Ainsi devons-nous assister, lors d’une scène, aux retrouvailles de quelques copains qui s’amusent à des jeux qui les réjouissent mais tombent à plat pour les spectateurs que nous sommes, comme si nous étions des intrus. À ces défauts s’ajoute celui d’avoir affaire à des actrices et acteurs qui poussent eux-mêmes la chansonnette, sans play-back, mais qui ne sont pas tous dotés d’une voix qui convient. Mais après tout, peut-être n’est-ce pas un réel défaut.
Quant au synopsis, tout en se contentant d’une histoire simple, sinon convenue, il a le mérite de proposer un assez large spectre de réflexions et d’impressions sur la jeunesse et, en particulier, la jeunesse féminine de notre temps. Deux personnages sont au cœur du dispositif : Cécile (Juliette Armanet), avec son prénom choisi pour pouvoir intégrer au mieux la superbe chanson éponyme de Claude Nougaro (une chanson pas idiote du tout, pour le coup !) et Raphaël (Bastien Bouillon), un copain de jeunesse. Si Cécile le retrouve, ce copain, alors qu’elle vit à Paris avec Sofiane (Tewfik Jallab) avec qui elle tient un restaurant, c’est parce que son père Gérard (François Rollin) ayant fait un infarctus, elle décide de venir à la rescousse afin d’aider sa mère Fanfan (Dominique Blanc). Tous deux, les parents de Cécile, tenant un restaurant pour routiers quelque part en province, il faut prêter main forte, même si Gérard, en fin de compte, a pu rentrer à la maison.
Ce retour momentané en province de Cécile, c’est l’occasion d’un certain nombre de réflexions et de mises au point qui, rassurons-nous, s’invitent dans un film à la tonalité plutôt joyeuse et pleine d’humour. Néanmoins, par le biais du personnage de Cécile, le film adopte, par moments, des tons plus graves, plus réflexifs. D’une part à cause des difficultés de relation de Cécile avec son père, un père bougon qui ne la ménage pas, lui reprochant, entre autres choses, d’avoir adopté une attitude méprisante envers son travail, elle qui tient un restaurant de qualité à Paris alors que ses parents se contentent de la cuisine populaire d’un restaurant routier. Rancunier, Gérard a même pris soin de noter dans un carnet chacune des phrases qu’il juge méprisantes qu’a tenues sa fille dans l’émission Top Chef à laquelle elle participe à la télévision. Le film intègre aussi de beaux moments de flashbacks qui suggèrent finement la question de la transmission : qu’a reçue Cécile de ses parents ? Que lui ont-ils transmis et qu’a-t-elle fait de ce qui lui a été transmis ? D’autre part, Cécile ayant découvert qu’elle est enceinte, se pose la question de l’IVG : cela donne lieu, entre autres, à une dispute avec Sofiane, son compagnon de Paris venu lui faire une visite surprise, Cécile lui rappelant qu’elle a toujours affirmé ne pas vouloir d’enfant. Enfin, et c’est le meilleur de ce film, il y a les retrouvailles de Cécile et de Raphaël, son copain de jadis joué par l’irrésistible Bastien Bouillon. Chaque fois que la réalisatrice les met tous deux en scène, le plaisir est total, y compris lors des scènes musicales (ainsi à l’occasion d’une sortie à la patinoire).
Si ce film n’est pas sans défauts, comme je l’ai écrit, ce n’en est pas moins un excellent divertissement. C’est même un peu plus qu’un simple divertissement, étant donné les réflexions qu’il peut susciter chez le spectateur. Il méritait bien l’honneur d’être le film d’ouverture du festival de Cannes !
7,5/10
Luc Schweitzer
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PARTIR UN JOUR Bande Annonce (2025) Juliette Armanet
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