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LOVING

un film de Jeff Nichols.

 

Après son échappée assez peu inspirée du côté de la science-fiction (« Midnight Special » - 2016), fort heureusement, Jeff Nichols nous revient à présent avec ce qui lui convient le mieux, le film dramatique se basant sur des réalités américaines, à l'exemple du captivant « Mud – Sur les rives du Mississippi », sorti en 2013, qui semblait tout droit venu d'un récit de Mark Twain.

Mais le film qui sort aujourd'hui, lui, s'inspire de faits réels, ceux qui ébranlèrent les bien nommés époux Loving, Richard (Joel Edgerton) et Mildred (Ruth Negga). Un couple qui aurait pu, qui aurait dû, mener une vie sans histoire si l'on n'avait eu affaire à un Blanc marié à une Noire à la fin des années 50 en Virginie, un Etat encore fortement marqué par le ségrégationnisme. A peine se sont-ils mariés à Washington et sont-ils de retour chez eux qu'ils sont arrêtés, emprisonnés et traduits en justice. On ne plaisante pas sur ce sujet en Virginie dans ces années-là et Richard et Mildred sont sommés de ne plus paraître ensemble sur le territoire de cet Etat durant les 25 ans à venir. Leur combat ne s'achèvera que près de 10 ans plus tard après avoir été médiatisé et présenté à la Cour Suprême des Etats-Unis.

Avec un sujet comme celui-là, il était tentant de réaliser un film-dossier ultra classique (comme on a pu en voir un l'an dernier avec « Spotlight » par exemple), mais heureusement Jeff Nichols a fait un autre choix, bien plus judicieux et, en fin de compte, bien plus intéressant. Les scènes de procédure judiciaire, d'entrevues avec des hommes de loi, de comparutions au tribunal n'occupent qu'une toute petite partie du film et c'est tant mieux. Il n'y a pas besoin de beaucoup plus que d'une sentence se référant à une prétendue loi divine (Dieu qui aurait créé les races et les aurait dispersées sur la surface de la Terre pour qu'elles ne se rencontrent pas!) pour faire comprendre l'aberration des lois de ségrégation appliquées en Virginie. De même, le réalisateur de « Loving » se garde de mettre en scène les poncifs de la haine raciale. Une des scènes qui semble orienter le film vers un déchaînement de violence n'aboutit, en fin de compte, qu'à une fausse piste.

Mais alors, si le film n'accorde qu'une place restreinte aux questions judiciaires et s'il se garde de mettre en spectacle des débordements de haine raciale, de quoi est-il fait, quel en est la matière, si l'on peut dire ? Eh bien, ce sur quoi le cinéaste met l'accent, c'est la vie du couple Loving, tout simplement. Un couple qui met au monde des enfants, les élève et tâche de mener une vie, pourrait-on dire, normale. La métaphore qui revient, comme un leitmotiv, tout au long du film, c'est celle de la maison qu'il faut construire. Richard et Mildred n'ont d'autre ambition que de construire leur maison et c'est en les montrant ainsi, fidèles à ce projet, que Jeff Nichols met aussi en lumière, par contraste, les égarements des tenants de la ségrégation.

Il faut dire aussi, pour finir, que la réussite du film repose, pour une grande part, sur le jeu plus que convaincant des deux acteurs principaux. Joel Edgerton fait de Richard Loving un homme plutôt bourru mais déterminé à aller jusqu'au bout, jusqu'à construire la maison qu'il veut offrir à celle qu'il aime. Quant à Ruth Negga, elle éclaire tout le film par sa présence, en femme décidée à emprunter tous les chemins possibles pour faire reconnaître ses droits, pour changer la vie de plein d'autres couples mixtes, pour en finir avec les lois liberticides. Enfin, il n'est nul besoin de le souligner, mais on peut quand même affirmer que ce film vien à point nommé à l'heure où les Etats-Unis viennent d'élire leur nouveau président en la personne de Donald Trump !

8/10

Luc Schweitzer, sscc.

 

 

 

Tag(s) : #Films
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