Un film de Thomas Vinterberg.
Décidément, les deux cinéastes danois les plus connus de notre temps ne se distinguent pas par le raffinement de leurs réalisations. Soyons justes, Thomas Vinterberg fait tout de même preuve d’un peu plus de subtilité que son compatriote Lars Von Trier, mais à peine. Et il ne lui suffit certes pas de placer en exergue de son nouveau film une belle citation de Kierkegaard pour donner le change.
L’alcoolisme est un sujet comme un autre et qui a déjà suscité des films de qualité. Malheureusement, avec Thomas Vinterberg, il n’y a guère de place que pour une succession de clichés qui ne débouchent sur rien, ou sur pas grand-chose. La première banalité du film, celle qui saute aux yeux, c’est que ce sont les mecs qui carburent à l’alcool, les femmes, de leur côté, endurant (jusqu’à un certain point) les frasques de leurs compagnons. Ces messieurs donc, en l’occurrence des professeurs qui s'ennuient à mourir, ont tout à coup comme une illumination: pour égayer leurs existences misérables, ils vont vérifier les affirmations d’un psychologue norvégien selon lequel, pour être performant, il faut avoir en permanence 0,5 g d’alcool dans le sang !
Ce corollaire idiot ne demande qu’à être expérimenté, n’est-ce pas ? D’autant plus que, pour étayer ou pour justifier ce raisonnement, on peut s’appuyer sur les exemples de quelques personnalités historiques : Tchaïkovski, Hemingway et Churchill n’ont-ils pas démontré qu’ils n’étaient talentueux que quand ils étaient bourrés ! Par contre, Hitler, lui, ne buvait que de l’eau, remarque Martin (Mads Mikkelsen), l’un des professeurs ! Ce dernier, d’ailleurs, qui enseigne précisément l’histoire, dès qu’il se met à boire parvient à intéresser ses élèves, alors qu’auparavant il s'en montrait totalement incapable. Et voilà ! La démonstration n’est-elle pas imparable ?
Il n’y a plus qu’à se farcir, pendant presque deux heures, les cuites à répétition de ces grands farceurs de professeurs ! On prétendra peut-être que Vinterberg a signifié ainsi le mal-être de ces derniers et, plus généralement, de toute une génération. Si l’on veut, mais le film reste très ambigu et terriblement assommant. C’est vrai qu’à l’occasion des dernières scènes, l’on perçoit les dommages causés aux proches, aux familles, par l’alcoolisme des hommes. Mais l’imprécision demeure, la scène ultime étant particulièrement équivoque. Tout cela reste, malgré tout, brumeux et de peu d’intérêt. « Il s’agit d’examiner comment la consommation d’alcool libère les gens », est-il affirmé dans le dossier de presse. A quoi bon un film pour traiter de cette question-là, je me le demande.
3/10
Luc Schweitzer, ss.cc.