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Un film de Lukas Dhont.

 

 

Je me souviens que, durant mon adolescence, dans les deux établissements scolaires privés où je fus inscrit, les religieux chargés du professorat et de l’éducation se montraient soucieux de détecter, si possible dès leurs prémices, ce qu’on appelait alors « les amitiés particulières ». Si deux élèves (il n’y avait que des garçons !) étaient repérés comme étant très proches l’un de l’autre et s’isolant volontiers du reste du groupe, ils risquaient fort d’être convoqués dans le bureau du directeur ou du surveillant qui leur expliquait, à mots feutrés, qu’il convenait de faire cesser leur propension à se mettre à l’écart des autres pensionnaires et ainsi de rentrer dans l’ordre.  

C’est une de ces histoires d’amitié entre jeunes garçons qu’a mis en scène Lukas Dhont, quatre ans après le portrait poignant qu’il proposait dans Girl, celui d’une fille dans un corps de garçon qui voulait devenir danseuse. À nouveau donc, ce sont les frontières indécises de l’identité sexuelle que veut explorer le cinéaste, en racontant l’histoire d’amitié fusionnelle de deux garçons de treize ans, Léo (Eden Dambrine) et Rémi (Gustav de Waele). Le fait d’avoir opté pour cet âge-là n’est pas anodin : treize ans, c’est une période charnière de la vie où l’on passe de l’enfance à l’adolescence et où l’on commence à percevoir davantage son identité. Mais c’est aussi un âge où l’on ne souhaite pas se démarquer de ce qu’on suppose être la norme.

Léo et Rémi, le réalisateur les filme tantôt dans leur milieu familial, tantôt dans le milieu scolaire. Nous les voyons jouer à des jeux qui accordent une place importante à l’imaginaire, comme le font volontiers les enfants. Ils apparaissent aussi dans leurs tâches, Léo donnant un coup de main à ses parents dans leur exploitation horticole, Rémi en apprenti musicien s’exerçant à la clarinette. Mais, dès qu’ils le peuvent, à l’école comme à la maison, en s’invitant chez l’un ou chez l’autre, ils passent du temps ensemble dans une complicité qui paraît très grande. Or, à treize ans, l’on est aussi très soucieux du regard des autres. Ainsi, quand, à l’école, une des élèves, une fille, se met à poser des questions. « Nous sommes comme des frères », se défend Léo, « nous ne sommes pas en couple ». « C’est peut-être parce que vous n’assumez pas », assène l’interlocutrice.

Ce regard d’autrui, si gênant quand on a treize ans, fait basculer le film. Aux jeux complices, aux regards et aux gestes affectueux, vient s’ajouter la peur d’être ostracisé par le groupe. Cette angoisse, Léo la ressent si fortement qu’il préfère prendre ses distances d’avec Rémi, ce que ce dernier non seulement ne comprend pas mais dont il souffre extrêmement. Léo, lui, se donne dès lors à fond dans un sport très viril, le hockey sur glace, un sport collectif qui plus est, comme pour prouver qu’il est solidaire du groupe et non pas seulement l’ami d’un garçon en particulier.

Le film entre alors dans une deuxième partie, longue, triste, mélancolique, moins réussie que la première, même si l’on ne peut qu’être profondément touché par ce qu’éprouve Léo, sa tristesse, son incompréhension, sa culpabilité, face à un acte impensable qu’a commis Rémi. Je ne peux en écrire davantage à ce sujet, mais on remarquera le lien qui, contre toute logique, se noue entre Léo et la mère de Rémi (jouée par Emilie Dequenne). Il y a là quelque chose de bouleversant : on ne sait s’il faut employer le mot de « pardon », mais ce qui est sûr, c’est qu’avec cette mère de Rémi, on a affaire à une belle personne.  

7/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Films
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