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LE TABLEAU VOLÉ

Un film de Pascal Bonitzer.

 

 

C’est d’une étonnante histoire vraie dont s’est inspiré le réalisateur Pascal Bonitzer pour fignoler le scénario de ce nouveau long-métrage, celui de l’histoire d’un tableau d’Egon Schiele (1890-1918), réputé disparu, qui fut retrouvé près de quatre-vingts ans après sa disparition. Ce tableau, Tournesols, que le peintre avait réalisé en hommage à Van Gogh, faisait partie du nombre impressionnant d’œuvres spoliées par les nazis durant la Seconde Guerre mondiale. Egon Schiele avait beau figurer en bonne place dans la liste des peintres qu’Hitler et ses sbires considéraient comme dégénérés, certains de ses tableaux n’en furent pas moins conservés pour être vendus, parfois pour une bouchée de pain. Et c’est ainsi qu’à Mulhouse, dans la maison où il vit en compagnie de sa mère (Laurence Côte), un jeune ouvrier prénommé Martin (Arcadi Radeff) reconnaît, par un concours de circonstances, dans le lot de ce qu’a laissé l’ancien propriétaire (décédé), le fameux tableau d’Egon Schiele.

Quand la nouvelle parvient à André Masson (Alex Lutz), un commissaire-priseur travaillant pour une maison d’enchères de grande réputation, sa première réaction est toute d’incrédulité. Pour lui, nul doute, le tableau est un faux. Il est néanmoins invité à se rendre sur place, à Mulhouse, pour en avoir le cœur net. Accompagné de sa toute nouvelle stagiaire Aurore (Louise Chevillotte) ainsi que de son ex-femme Bertina (Léa Drucker), experte dans le domaine de l’art, il se rend dans l’humble maison de Martin et de sa mère et doit accepter l’évidence : le tableau est un authentique Egon Schiele, volé par les nazis à une famille juive et vendu à l’ex-propriétaire de la maison mulhousienne, lui-même ancien membre de la Gestapo.

L’enjeu du film, à partir de là, c’est de retrouver d’éventuels survivants de la famille juive qui fut spoliée de ses biens avant de périr dans les camps de la mort afin de réparer l’injustice commise autrefois. Et, de fait, l’on retrouve un membre de cette famille, vivant en Amérique et, bien sûr, s’empressant de faire le voyage vers la France. Ajoutons que le tableau en question peut aujourd’hui être estimé à plusieurs dizaines de millions d’euros. De quoi susciter quelques convoitises.

Telle est la trame du film. Mais ce qui en fait l’intérêt, en sus de cette histoire peu banale, c’est la réalisation de Pascal Bonitzer, habile à enchaîner les séquences sans temps morts, à mettre en évidence toutes les manigances et tractations aboutissant à un accord où chacun pourra trouver son compte et, surtout, à composer une galerie de personnages suffisamment complexes pour éviter les caricatures. Reconnaissons cependant que certains protagonistes manquent de consistance (la mère de Martin, par exemple, ou même les deux copains de celui-ci, l’un des deux étant tenté de tirer profit de l’aubaine). La plupart des autres protagonistes ne manquent pas, par contre, de  consistance, bien que le film soit assez court, et, comme ils sont joués par des acteurs et actrices doué(e)s, on se régale à les voir à l’écran.

Et puis, surtout, par le moyen de ces personnages bien écrits, le film parvient à toucher, et il le fait intelligemment, avec justesse. Ainsi en mettant en scène le rapport plutôt conflictuel entre le commissaire-priseur et sa stagiaire et, par ce biais, en suggérant que, parfois, celui qui paraît le plus aguerri, celui qui a de la bouteille comme on dit, est bien avisé d’écouter plus jeune et plus novice que soi. Ou encore, et c’est un des grands points forts du film, en confrontant le monde cossu du marché de l’art à celui d’un humble ouvrier de province comme Martin. Ce dernier est, sans conteste, le personnage le plus émouvant du film. Apprenant que le tableau qu’il a trouvé dans sa maison non seulement vaut une fortune mais a été spolié à une famille juive, sa réaction première est de ne vouloir tirer aucun profit de l’œuvre mais de la restituer à ceux à qui elle a été volée, sans rien de plus. Plus tard, dans l’hôtel grand standing de Paris où on lui a réservé une chambre puis dans la salle où le tableau est mis aux enchères, Martin, garçon timide, peu à l’aise dans un  milieu comme celui-là, est particulièrement bouleversant. Il est le saisissant contrepoint du milieu féroce du marché de l’art et sa présence apporte beaucoup au film, lui donnant sa plus belle part d’humanité.  

8/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer

Tag(s) : #Films, #Peinture
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