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LE GÉANT ÉGOÏSTE

un film de Clio Barnard.

Certes ce premier film de film de fiction d’une jeune cinéaste anglaise,  Clio Barnard,  n’est pas sans rappeler certaines oeuvres de Ken Loach et,  plus largement,  ce qu’on peut appeler le cinéma social du Royaume-Uni.   Les personnages,  les thèmes,  l’environnement,  tout nous est presque familier.   Et pourtant,  très vite,  on a le sentiment d’avoir affaire à un film qui ne manque pas d’originalité et à une cinéaste qui n’est pas simplement l’épigone de ses illustres prédécesseurs.   Il y a,  dans « Le Géant égoïste »,  récit inspiré d’une nouvelle d’Oscar Wilde,  un ton et une atmosphère qui lui confèrent des particularités,  qui orientent le film vers autre chose que le seul naturalisme.

Bien sûr,  le constat qu’on peut dresser en voyant ce film est des plus désolants.   Constat d’échec du côté du système scolaire,  incapable de trouver d’autre solution que le renvoi quand elle a affaire à des gamins turbulents,  insolents et déjà presque asociaux.   Constat d’échec également du côté des familles.   Voilà donc Arbor et Swifty,  les deux gamins de ce film,  livrés à eux-mêmes et pas mécontents d’échapper à la contrainte scolaire.    Une relation étrange et dangereuse se noue bientôt entre eux et un ferrailleur nommé Kitten.   L’honnêteté et la droiture n’étant pas les points forts de ce dernier,  les deux gamins sont amenés non seulement à récupérer,  mais à voler toutes sortes de métaux,  y compris du côté d’une centrale électrique où,  bien évidemment,  les câbles ne manquent pas.   Kitten accepte tout,  du moment qu’on a pris soin d’effacer toute marque de provenance des matériaux.

Mais l’un des éléments qui donnent une couleur particulière à ce film,  c’est que Kitten,  en dehors de son travail de ferrailleur,  est également un amateur de courses de chevaux clandestines.   Or Swifty,  l’un des deux gamins,  est également un passionné de cheval.   Entre Arbor,  qui ne songe qu’à gagner beaucoup d’argent en récupérant le plus possible de métaux,  et Swifty,  pour qui conduire un sulky et gagner une course l’emporte sur toute autre considération,  une distance se creuse.   Mais la camaraderie,  sinon l’amitié,  ne se perd pas si facilement,  et quand Arbor se trouvera dans une position difficile,  que fera Swifty sinon de lui venir en aide ? Et l’inéluctable risque de se produire…

Clio Barnard a pris soin d’éviter les clichés,  les points de vue simplistes,  les personnages caricaturaux.   On est surpris,  à plusieurs reprises,  par le comportement inattendu de tel ou tel protagoniste.   Le ferrailleur ne se réduit pas à un salaud et à un profiteur.   Swifty le tendre peut aussi faire preuve de dureté.   Quant à Arbor,  qui a l’air de se fabriquer une carapace,  de se protéger ainsi de son environnement,  de la misère et des violences,  il a soudain de ces exigences ou même de ces accès de tendresse qui prouvent que,  malgré les apparences,  il y a bien,  dans sa poitrine,  un cœur qui bat.   Il faut le voir exiger des policiers qui viennent chez lui l’interroger qu’ils ôtent leurs chaussures ! Et quand survient le drame,  il n’est pas le dernier à être bouleversé.

Ce film poignant,  tourné dans le nord de l’Angleterre,  dans une région dévastée par le chômage et la précarité,  a été réalisé avec beaucoup d’intelligence et de sensibilité.   Même les paysages sans charme prennent parfois des allures quasi fantastiques qui leur donnent de la beauté :des tours de centrale nucléaire dans la brume,  des chevaux qui s’ébrouent entre des pylônes…Et l’on se dit que,  peut-être,  il y a un chemin qui conduit au mieux-vivre,  même pour ceux qui semblent abandonnés de tous.

8/10

Luc Schweitzer,sscc

Tag(s) : #Films
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