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12 JOURS

Un film de Raymond Depardon.

 

« Je suis fou… J’ai la folie d’un homme », s’exclame l’un des patients de l’hôpital psychiatrique du Vinatier, à Lyon, l’un de ceux que Raymond Depardon a pu filmer. L’essentiel de ce documentaire se déroule en effet dans un des bureaux des juges des libertés et de la détention qui statuent sur le sort des personnes internées sous contrainte. Depuis 2013, sans doute pour éviter les internements abusifs, la loi oblige les établissements psychiatriques à cette procédure : le patient, accompagné d’un avocat, comparaît devant un juge qui doit décider soit de la prolongation de l’internement soit de la mise en liberté (dans le premier cas, le patient dispose encore de la possibilité de faire appel).

Ce sont donc quelques-unes de ces comparutions que le cinéaste a pu filmer, un genre dont il s’est fait une spécialité comme il l’a déjà prouvé en 1994 avec « Délits flagrants » et en 2004 avec « 10ème chambre, instants d’audience ». Sauf qu’aujourd’hui ce sont des personnes en situation d’extrême précarité sur le plan psychique que l’on voit à l’écran. Raymond Depardon se garde de tout effet inutile, il filme simplement la réalité de ces instants de vie avec des champs contre-champs et rien de plus. Du coup, l’on ne perçoit que davantage la difficulté de statuer sur des personnes fragiles, souvent en pleine confusion mentale, qui ont besoin de soins sans aucun doute, mais dont on se demande si c’est l’hôpital qui leur convient le mieux.

Il est poignant de voir chacun de ces visages et d’entendre chacune de ces personnes essayant comme elles peuvent d’exprimer leur souffrance tout en cherchant les paroles qui rassurent afin qu’elles puissent sortir de l’hôpital. L’un est pris par la paranoïa au point de voir partout des djihadistes et de certifier qu’il a trouvé une kalachnikov dans son immeuble. Une femme suicidaire exige qu’on lui accorde un droit à mourir. Un jeune homme réclame de retourner auprès de son père afin d’en prendre soin, alors qu’il en est le meurtrier. Une femme s’étonne de la violence qu’elle a subie à son arrivée à l’hôpital tandis qu’entourée de douze employés elle était dépouillée de tout. Etc. Chaque patient nous touche, chacun avec son mal de vivre, et chaque décision des juges nous interpelle. Et quand Raymond Depardon, quittant pour un moment les bureaux des juges, filme un homme seul faisant les cent pas dans un espace minuscule pour tuer le temps, toute sa solitude et toute sa pauvreté nous étreignent le cœur. 

8/10

 

                                                                       Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Films, #Documentaires
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