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TOUT CE QU’IL ME RESTE DE LA RÉVOLUTION

Un film de Judith Davis.

 

 

Adapté d’un spectacle du collectif L’Avantage du Doute, ce film revigorant, drôle et rageur mêle assez habilement ce qui est de l’ordre du politique et ce qui est de l’ordre du privé. La réalisatrice s’y met elle-même en scène dans le rôle d’Angèle, une jeune militante qui se demande s’il est encore possible de vouloir « changer le monde ». Ayant été licenciée par un de ces patrons « de gauche » qui ont pris soin de mettre beaucoup d’eau dans le vin de leurs convictions, elle est contrainte de retourner vivre, au moins pour quelque temps, chez son père, lui-même ancien militant maoïste. C’est, pour elle, l’occasion de renouer avec sa sœur Noutka (Mélanie Bestel), une femme plutôt conformiste avec qui les dialogues virent parfois à l’orage.

Dans le même temps, Angèle, qui rêve de faire se rejoindre par une rue Paris et Montreuil en dépit de l’obstacle du périphérique, met en place, avec son amie Léonor (Claire Dumas), un groupe de discussion citoyen. Or, même si celui-ci n’est composé que de sept membres, les débats s’avèrent pour le moins compliqués et cocasses. Pas si facile d’échanger, même quand on est si peu nombreux. « À quoi chacun croit-il encore ? » : cette simple question, posée par Angèle, suscite, à elle seule, un gros embarras. Ces scènes de discussion de groupe, qui certes en rappellent l’origine théâtrale, n’en sont pas moins parmi les plus amusantes, mais aussi les plus révélatrices, du film. Révélatrices, parce qu’elles mettent en évidence des réalités de notre temps.

Malgré son dynamisme, Angèle se heurte constamment à l’inertie des uns et aux hypocrisies des autres. Que reste-t-il des idéaux les plus nobles quand on se cogne à la dureté du monde tel qu’il est et aux petites (ou grandes) compromissions (et trahisons) des uns et des autres ? Heureusement, il reste l’ouverture à de belles rencontres, voire aussi à des retrouvailles. Pour Angèle, cela se concrétise par la naissance d’une relation amoureuse avec Said (Malik Sidi), ce qui nous vaut une scène de séduction hilarante sur la « Danse des Sauvages » des « Indes Galantes » de Jean-Philippe Rameau.

Mais ce qui reste de plus émouvant, au bout du compte, c’est la complicité retrouvée avec un père qu’Angèle a certes du mal à comprendre mais qui reste attachant, et surtout ce sont les retrouvailles avec une mère dont elle pensait qu’elle l’avait abandonnée à jamais. Diane (Mireille Perrier), la mère depuis longtemps disparue, qu’est-elle devenue ? A-t-elle, elle aussi, trahi ses vieux idéaux ?

Le film touche juste en donnant autant de place aux quêtes individuelles qu’aux combats collectifs. Et le personnage d’Angèle, tout à sa recherche d’un équilibre toujours précaire entre l’héritage éducatif, les aspirations de l’être et les convictions politiques, n’a rien de schématique. On notera, à la fin du film, la belle place réservée à un poème de Victor Hugo mis en musique et chanté, à l’origine, par Colette Magny. Après « Mélocoton » entendu dernièrement dans « L’Ordre des Médecins », c’est la deuxième fois en peu de temps que cette artiste est mise à l’honneur. 

8/10

 

                                                                       Luc Schweitzer, ss.cc.

 

 

Tag(s) : #Films
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