Un film de Antoine Russbach.
On pourrait presque classer ce film dans la catégorie des films à thèse, le but évident étant ici de dénoncer les ravages d’un capitalisme effréné ne se souciant que de faire des profits, quitte, s’il le faut, à sacrifier des personnes sur l’autel du dieu Argent. Ce ne serait déjà pas mal que d’interpeller les consciences de cette manière-là, mais Antoine Russbach a su dépasser ou déborder le strict cadre d’une démonstration en règle en accordant beaucoup de place à un personnage, Frank (Olivier Gourmet), ainsi qu’aux membres de sa famille, en particulier sa femme et la benjamine de ses cinq enfants.
On ne tarit pas d’éloges chaque fois qu’apparaît sur les écrans, dans quelque film que ce soit, Olivier Gourmet et, bien sûr, son extraordinaire talent se confirme à nouveau. Tous les types de rôles lui conviennent, semble-t-il, y compris, dans ce film, celui de cadre supérieur dans une entreprise de fret maritime. Or, un jour, le voilà contraint de prendre, dans l’urgence, une décision lourde de conséquences. Un jeune clandestin malade (peut-être du virus Ebola) a été découvert sur un des cargos transportant des produits périssables. Plutôt que de suivre la procédure légale, Frank, craignant de faire perdre à son entreprise de grosses sommes d’argent, ordonne au commandant du bateau de se débarrasser de l’intrus en pleine mer.
Hypocritement, alors qu’en vérité la décision prise par Frank les arrange bien, les dirigeants de l’entreprise, mis au courant des faits, le licencient. Pour Frank, c’est comme un séisme intérieur. Tout ce en quoi il avait cru, tout son plan de carrière, tout s’effondre en un instant. Pour ce qui concerne sa famille, en particulier sa femme, il lui faut beaucoup de temps pour avouer la vérité. Dans un premier, il s’efforce de faire comme si rien n’avait changé. Mais la réalité, c’est que Frank n’est plus tout à fait le même homme et cette réalité ne peut être cachée longtemps.
On a, dès lors, affaire à un homme en déroute, un homme qui essaie, sans y parvenir, de se reconstruire, mais qui, surtout, voit s’écrouler son monde, ce qui le conduit à la limite des décisions les plus extrêmes. Heureusement, sans doute, il y a sa famille et, peut-être tout spécialement, la petite dernière qui, pour un travail scolaire, demande à son père qu’il lui explique en quoi a consisté son travail. Cette demande débouche sur la séquence la plus intense, la plus inoubliable du film, une échappée du père avec sa fille : la seule qui ait gardé comme un trésor son regard aimant, le beau regard d’une enfant pour son père.
7,5/10
Luc Schweitzer, ss.cc.
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