Un film de Maryam Touzani.
Maryam Touzani est une réalisatrice engagée, elle n’a pas peur d’aborder des sujets qui, dans son pays, au Maroc, restent largement prohibés. Elle l’a prouvé en réalisant, en 2014, un documentaire sur la prostitution dans ce pays, puis en jouant, en 2017, dans Razzia, film réalisé par Nabil Ayouch, son mari. Aujourd’hui, avec Adam, c’est du sort réservé aux mères célibataires ainsi qu’à leur(s) enfant(s) dont elle s’enquiert.
Pour ce faire, elle choisit de se concentrer sur la relation qui se noue entre deux femmes, l’une, prénommée Samia (Nisrin Erradi), enceinte et devant bientôt accoucher, l’autre, prénommée Abla (Lubna Azabal), veuve et mère de Warda (Douae Belkhaouda), une enfant de huit ans. Cette dernière n’est d’ailleurs pas pour rien dans le lien qui se forme, d’abord de manière très précaire, entre les deux femmes. Tout de suite, la petite fille a été saisie de compassion en voyant se traîner Samia (que la réalisatrice nous avait montrée allant vainement de porte en porte avec l’espoir de trouver un travail). Abla non plus n’est pas dépourvue de commisération, mais, même si elle se résout à accueillir chez elle la jeune femme enceinte, c’est, au moins dans un premier temps, en donnant le sentiment qu’elle le fait presque à regret. Son visage est dur, ses paroles sévères.
Pourtant, au fil du temps, et, sans doute, grâce, entre autres, à l’entremise de la petite Warda, de son regard confiant et joyeux, quelque chose change entre les deux femmes. La relation évolue, l’estime et la sympathie l’emportent, petit à petit, sur la méfiance. Au moyen de beaucoup de gros plans sur les visages, la réalisatrice nous fait subtilement pressentir ce cheminement. On comprend que Abla reste une femme meurtrie, affligée, depuis la mort brutale de son mari. On comprend aussi l’inquiétude et la souffrance de Samia qui s’est résolue à l’abandon de son enfant à naître, dans l’espérance qu’il sera adopté. Car, dans la société marocaine, il n’y a pas de dignité possible pour un enfant né hors mariage, s’il reste avec sa mère.
Tel est l’enjeu de ce beau film féministe, tout entier (ou presque) focalisé sur ces deux femmes, ainsi que sur la petite Warda. Hormis quelques scènes assez maladroites et inutiles sur un homme transi d’amour pour Abla, le film ne dévie quasiment jamais de l’essentiel. Et, bien sûr, l’on se demande ce qu’il pourra advenir, en fin de compte, du petit enfant à naître… Un enfant qui pourrait bien porter le beau prénom d’Adam !
7,5/10
Luc Schweitzer, ss.cc.
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ADAM de Maryam Touzani, le 5 février au cinéma
Dans la Médina de Casablanca, Abla, veuve et mère d'une fillette de 8 ans, tient un magasin de pâtisseries marocaines. Quand Samia, une jeune femme enceinte frappe à sa porte, Abla est loin ...