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L’OISEAU DE PARADIS

Un film de Paul Manaté.

 

Friands d’aventures exotiques, les spectateurs furent en mesure de s’émerveiller et de frissonner tour à tour lorsque fut projeté en 1932 L’Oiseau de Paradis de King Vidor avec en vedettes Dolores del Rio et Joel McCrea. De même en 1951, année où fut programmé un remake de ce film, signé Delmer Daves, avec Debra Paget et Louis Jourdan. Les réalisateurs américains ne dédaignaient pas de mettre en scène des polynésiens aux coutumes étranges, si ce n’est barbares. Aujourd’hui, ironiquement peut-être, c’est le même titre qui est adopté par Paul Manaté pour un film qui, cette fois-ci, est réalisé par une équipe presque entièrement tahitienne. Le réalisateur lui-même, quoi que vivant aujourd’hui en Bretagne, est un natif de l’île polynésienne et c’est avec un regard avisé qu’il est allé filmer ce bout de terre française si éloigné de la métropole.

Le film devait initialement être projeté dans les salles obscures mais, la crise du coronavirus étant passée par là, il faut se contenter de le voir en VOD sur les plateformes dédiées à ce service (Universciné en particulier). C’est regrettable car, sans nul doute, ce premier long-métrage de fiction de Paul Manaté aurait gagné à être vu sur grand écran.

Le réalisateur s’est ingénié à exposer la confrontation entre modernité et tradition, au moyen de deux personnages principaux : d’une part, Teivi, un assistant parlementaire, compromis dans des affaires louches et se comportant, dans un premier temps, avec cynisme ; d’autre part, sa cousine Yasmina, accueillie par une famille tahitienne « comme une boniche », après la mort tragique de sa mère. Comme dans une légende ancestrale, celle de l’ogresse Hina, que met remarquablement en scène le réalisateur au tout début du film, l’on attribue à Yasmina la réputation d’être une sorte de sorcière aux pouvoirs occultes.

En racontant ces deux destinées, Paul Manaté parvient aussi à mettre l’accent sur les inégalités qui demeurent à Tahiti, les richesses et le pouvoir toujours entre les mains d’une minorité européenne et métisse, ce qui suscite de grandes colères de la part de certains Maohis. D’autant plus quand éclate un scandale, celui d’une eau mystérieusement polluée qui a rendu malades des enfants. Le réalisateur réussit assez habilement à imbriquer ces sujets avec l’histoire conjuguée de Teivi et Yasmina.

Peu importe qu’on ait affaire à des acteurs non professionnels aux jeux plus ou moins limités. Nous n’en sommes pas moins touchés par le personnage de Yasmina, jeune fille qui ne parvient pas à trouver sa place dans la société et qui, lorsqu’elle se décide à rendre visite à son père, n’en retire aucune consolation, c’est le moins qu’on puisse dire. A son contact, son cousin Teivi se transforme petit à petit au point qu’il s’attache à la jeune femme, bien que celle-ci lui ait prédit un destin tragique. Sur l’île de Tahiti, où se côtoient les plus beaux paysages et les plus affreuses misères, il reste encore une part de mystère. Paul Manaté trouve à merveille le moyen de nous en convaincre. 

7,5/10

 

                                                                                                   Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Films
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