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ROCKS

Un film de Sarah Gavron.

 

Dans le groupe d’adolescentes, résidentes d’un quartier défavorisé de Londres, que l’on voit évoluer tout au long de ce film, Shola (Bukky Bakray) ne passe pas inaperçue. Non pas tant à cause de son surpoids que parce que son caractère est bien trempé. Elle est d’ailleurs si obstinée et est capable de faire preuve d’une telle résistance en toutes circonstances que ses camarades l’ont surnommée Rocks. Cela étant, elle semble, au départ, parfaitement intégrée à son groupe d’amies, tout comme elle paraît à son aise quand elle est à la maison, avec son petit frère Emmanuel (D’angelou Osei Kissiedu) et leur mère. Quelque chose pourtant ne tourne pas rond, puisqu’un jour, en rentrant chez elle, Rocks découvre que cette dernière s’est enfuie du foyer, ne laissant aux enfants qu’un bref mot d’explication désolée ainsi qu’une petite somme d’argent. On apprendra d’ailleurs, plus avant dans le film, que, la mère souffrant de dépression chronique, ce n’est pas la première fois qu’elle abandonne ses enfants. Sauf que, cette fois-ci, son absence semble devoir durer plus longtemps que les fois précédentes.

Emmanuel étant beaucoup trop jeune, c’est Rocks qui décide de prendre les choses en mains, en particulier, précisément, en s’occupant de son petit frère. La tâche se complique énormément lorsque, une voisine les ayant alertés, les services sociaux décident d’intervenir. Rocks, décidée à ne pas les laisser faire, entreprend donc de trouver des lieux d’hébergement autres que son domicile. Pour ce faire, elle essaie de mettre dans la confidence l’une ou l’autre de ses amies afin de se faire aider par elles. Il va sans dire que ce n’est pas simple, étant donné qu’on a affaire à des adolescentes d’une quinzaine d’années.

Des commentateurs de ce film n’ont pas manqué de parler de sa réalisatrice comme d’une Ken Loach au féminin, comme si elle avait besoin d’une telle caution pour être prise au sérieux. Bien sûr, la veine qu’on peut appeler sociale, largement explorée par le metteur en scène de Raining Stones (1993), se retrouve ici, mais nombreux sont les cinéastes britanniques qui se sont illustrés dans ce genre cinématographique. On peut peut-être néanmoins souligner le regard féminin de Sarah Gavron, ne serait-ce que parce qu’elle met en scène une bande de filles.

Mais le plus intéressant, ce qui caractérise vraiment le film, c’est, d’une part qu’on ait affaire à des adolescentes prises sur le vif, pour ainsi dire, et, d’autre part, qu’il y ait, dans ce groupe, comme un microcosme de l’Angleterre multi-raciale et multi-culturelle. La réalisatrice se garde de faire dans l’angélisme : il n’y a pas besoin de grand-chose pour que surgissent des conflits, des prises de bec, voire des violences dans le groupe. A contrario, la bande d’adolescentes se montre également capable de faire preuve, quand il le faut, de solidarité, nonobstant les différences culturelles et religieuses. Elles existent (le petit Emmanuel récite un Notre Père un peu transformé au début du film, une des filles porte un voile typique des musulmanes), mais ne divisent pas.

Malgré quelques petits coups de mou dans sa réalisation, le film peut se targuer d’avoir été bâti avec le concours des jeunes actrices non professionnelles qu’il met en scène. Cela se perçoit aisément et donne lieu à des moments forts, si ce n’est à des moments de grâce, comme quand le groupe des filles se met à chanter et à danser. Ces moments ont d’ailleurs peut-être été totalement improvisés. C’est, en tout cas, l’impression qu’ils donnent. Quant à la jeune actrice qui joue le rôle de Rocks, c’est peu de dire qu’elle y met de l’énergie. Le film échappe ainsi à tout misérabilisme. Au contraire, ce qu’il met en évidence, c’est l’espoir ainsi que la générosité. 

7,5/10

 

                                                                                                   Luc Schweitzer, ss.cc.

 

Tag(s) : #Films
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