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ACIDE

Un film de Just Philippot.

 

 

Si La Nuée (2020), le premier long-métrage de Just Philippot, ne m’avait guère convaincu, il n’en est pas de même avec Acide, un film qui, bien plus encore que le précédent, se fait l’écho des préoccupations, sinon des angoisses, de notre temps. En vérité, c’est un court-métrage, que Just Philippot avait réalisé dès 2018, qui a été repris et étoffé de manière à tenir en haleine le spectateur pendant les quelques 90 minutes que dure le film.

J’ai eu le sentiment, durant sa projection, que le réalisateur avait retenu, consciemment ou non, quelques leçons de mise en scène en provenance d’Alfred Hitchcock, tout particulièrement celui qui réalisa Les Oiseaux (1963). Comme ce dernier, en effet, avant que de confronter ses personnages à la peur et même à la terreur, Just Philippot prend le temps de nous familiariser avec eux. Nous serons d’autant plus terrifiés par ce qui surviendra quand le film basculera dans l’horreur. Avant cela, l’homme que nous fait découvrir, en premier lieu, le film, Michal (Guillaume Canet), est un syndicaliste en pleine confrontation, extrêmement violente, avec les forces de police. Le même homme, portant désormais un bracelet électronique (ce qui signifie qu’il a été condamné par la justice), apparaît ensuite dans une tout autre posture, au chevet de la femme qu’il aime, hospitalisée en Belgique. Ce même homme encore, nous apprenons qu’il est le père de Selma (Patience Munchenbach) dont la mère, Elise (Laetitia Dosch), essaie de reconstruire sa vie avec quelqu’un d’autre.

Dans un premier temps, la terreur n’est annoncée que fortuitement, par un reportage télévisé évoquant des pluies acides qui se sont abattues sur la Colombie. Pas de quoi affoler nos personnages qui vivent en France et en Belgique, bien loin de l’Amérique du Sud. Comme Hitchcock, qui avait subtilement préparé les spectateurs à la terreur qui allait survenir, Philippot nous avertit du pire par ce moyen. Enfin, toutes ces précautions de mise en scène étant prises et alors que nous ressentons quelque proximité avec des personnages qui ne sont, en aucune façon, des figures héroïques (autrement dit, nous pouvons nous identifier à eux), voilà que surviennent d’inquiétants nuages et que se met à tomber une pluie si acide qu’elle détruit tout.

Il ne s’agit plus, dès lors, comme dans le joli film d’antan, de chanter sous la pluie, mais de trembler, de courir, de hurler, de tout faire pour tenter d’échapper à la mort qui tombe du ciel. Réunis pour leur course effrénée vers un éventuel salut (s’il y en a un), Michal, Elise et Selma ne sont qu’une famille (recomposée par les circonstances) parmi beaucoup d’autres qui s’efforcent d’aller plus vite que les nuages meurtriers. Just Philippot parvient cependant à faire se succéder les scènes de foules très impressionnantes et d’autres plus intimes, par exemple lorsque Michal et Selma trouvent refuge dans une maison habitée par une femme et un enfant malade.

En vérité, le film ne laisse que peu de place à l’altruisme. La catastrophe est telle que l’on ne songe qu’à s’efforcer de sauver ceux dont on est proche. Ainsi, pour Michal, il s’agit essentiellement de protéger Selma et de rejoindre la femme dont il est amoureux et qui est hospitalisée en Belgique. Certaines options prises par Michal indignent Selma. Mais, confrontés à un cataclysme comme celui qui s’abat sur les personnages du film, que peut-on faire ? Just Philippot, en donnant un de ses meilleurs rôles à Guillaume Canet, nous confronte tous à cette question : que ferions-nous si nous nous trouvions dans la même situation que le personnage que joue ce dernier ? Probablement pas mieux que lui.   

8/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer

Tag(s) : #Films, #Horreur
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