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HIPPOCRATE

un film de Thomas Lilti.

 

Il y a de bonnes raisons pour que ce film sonne vrai, à commencer par la profession de son réalisateur, Thomas Lilti, lui-même médecin travaillant en interne dans un hôpital et connaissant donc son sujet sur le bout des doigts. Mais encore fallait-il être capable de faire un film qui se tienne, bien construit et bien dirigé, et c'est indéniablement le cas. Hormis quelques scènes outrées dont on aurait pu se passer, le film non seulement passionne et tient en haleine, mais rend parfaitement compte de la complexité de ce monde de l'hôpital.
Pour ce faire, Thomas Lilti s'attache à suivre les premiers pas de Benjamin (Vincent Lacoste), débarquant aux urgences d'un hôpital et, qui plus est, dans le service où travaille son propre père (Jacques Gamblin). Le rejoint bientôt un autre jeune médecin prénommé Abdel et arrivant d'Algérie (Reda Kateb). Entre les deux hommes se noue rapidement une relation faite à la fois de défiance et d'amitié.
Car, s'il y a bien des moments de détente et les farces de carabins auxquelles on est en droit de s'attendre, il y a surtout, dans ce film, beaucoup de tension et nombre de difficultés. Manque de personnel, manque de moyens, appareils en panne, solitude, détresse... Le constat est cruel et inquiétant. Quoi qu'on fasse (ou qu'on ne puisse pas faire, à cause d'une défaillance de matériel), quelles que soient les décisions prises, on risque de faire des erreurs... Que le médecin soit seul, qu'il se fasse aider par un confrère avenant, ou qu'il soit en conflit avec un autre service arrivé au chevet du malade plus tôt que lui, dans tous les cas les décisions peuvent être lourdes de conséquences, à la fois pour le malade bien sûr, mais aussi pour le médecin (qui sera ou non protégé par l'hôpital) et pour les familles qui, évidemment, veulent en savoir toujours davantage et posent des questions embarrassantes. Comme le dit Abdel à Benjamin, "médecin en hôpital, ce n'est pas un métier, c'est une espèce de malédiction"!
Mais, fort heureusement, le film de Thomas Lilti ne se cantonne pas uniquement au registre du constat négatif et inquiétant. Ce qui rassure, paradoxalement, malgré les défaillances humaines dont il est question et les petits arrangements de caste, c'est de voir à l'oeuvre un personnel dévoué, combatif (se mettant en grève quand c'est nécessaire, tout en continuant à travailler!), et, pour tout dire en une expression, forçant l'admiration. Le réalisateur sait aussi nous rendre sympathiques et admirables les visages de celles et ceux qui travaillent, dans de dures conditions et pour des salaires de misère, en hôpital.
Beaucoup de séries télévisées traitent du monde de l'hôpital (c'est presque devenu un genre à part entière), mais le font dans un registre plus ou moins fantaisiste. Ici, c'est autre chose: c'est un regard juste et précis. On aura grand intérêt à le découvrir, car il fera sans doute évoluer notre propre regard au sujet de ce monde complexe et, somme toute, méconnu de l'hôpital!

8/10

Luc Schweitzer, sscc

Tag(s) : #Films
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