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LA PAPESSE JEANNE

un film de Jean Breschand.

 

Selon certains écrits du XIIIème siècle, une femme prénommée Jeanne aurait réussi, au cours du IXème siècle, à dissimuler son identité et son sexe et à se faire élire pape avant d'être démasquée en donnant naissance à un enfant ! C'est en prenant appui sur cette audacieuse légende que Jean Breschand a conçu et réalisé ce film tourné, si je ne me trompe, dans de superbes payasages corses tout en restant dépouillé à l'extrême (peut-être à cause du peu de moyens dont disposait le réalisateur).

Malgré tout, malgré son austérité, le film ne manque ni d'intelligence ni de beauté. Superbe dans le rôle titre, Agathe Bonitzer réussit tout du long à donner à ce personnage imaginaire de la crédibilité. On notera d'ailleurs que, prenant sur ce point le contre-pied du mythe, elle ne cherche jamais à camoufler sa féminité, ce qui donne au film un supplément d'audace.

Après avoir séjourné dans un couvent, Jeanne prend la décision de le quitter en compagnie du moine Fromentin (Grégoire Tachnakian ) qui y avait été reçu en tant que copiste de précieux manuscrits. Epris et aventureux, ils fuguent comme des tourtereaux ! De rencontre en rencontre, l'aventure mène Jeanne jusqu'au pape Léon IV, un pape vivant non dans un palais, mais dans la simplicité d'un abri de campagne. C'est de lui dont Jeanne finit par prendre la succession, délivrant alors ses préceptes de sagesse.

Il ne faut pas demander au film plus qu'il ne peut donner. Il n'a pas grand chose à nous apporter du point de vue de la spiritualité, mais il interroge, de façon assez judicieuse, l'Eglise dans ses institutions. Le pape Léon IV a beau mener une vie manifestement simple et frugale, il n'en regrette pas moins le dénuement encore plus grand des premières communautés chrétiennes. Quant à la papesse Jeanne, elle affirme sans ambiguïté que le pouvoir de bénir appartient à tous et non à un seul, fût-il pape (ou papesse) ! Ce qu'on voit dans ce film fait irrésistiblement songer, de manière anticipée (puisque nous sommes censés être au IXème siècle), à François d'Assise et aux franciscains.

Enfin, bien sûr, ce film interroge aussi l'Eglise quant à la place qu'elle accorde aux femmes (en donnant, au passage, un reflet du Moyen-Age bien différent de celui qu'on s'accorde volontiers à transmettre en le qualifiant d'obscurantiste!). Comment se fait-il que la hiérarchie de l'Eglise ait été réservée aux hommes jusqu'à nos jours ? La question mérite d'être posée, les arguments servant à justifier cet état de fait manquant beaucoup de solidité. Ce film montre à sa façon qu'il n'y aurait nulle incongruité, bien au contraire, à conférer à des femmes des ministères qui leur sont jusqu'ici interdits !

7,5/10

Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Films
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