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MAYA

Un film de Mia Hansen-Løve.

 

 

En 2016, avec « L’Avenir », la réalisatrice Mia Hansen-Løve filmait avec intelligence et beauté le parcours d’une prof de philo jouée par Isabelle Huppert qui, alors que son mari la quittait, cherchait à se construire une vie nouvelle, entre autres grâce à la présence et à l’attention d’un de ses élèves joué par Roman Kolinka. Un acteur que l’on avait déjà apprécié dans « Eden » (2014), autre film d’une cinéaste au parcours, jusqu’ici, sans faute, et que l’on retrouve aujourd’hui dans « Maya ».

Cette fois-ci, il joue un journaliste de terrain qui, après avoir été capturé en Syrie et retenu comme otage durant quatre mois avec deux compagnons, vient d’être libéré avec l’un de ces derniers. Visage aux traits tirés et à la barbe hirsute, corps couvert d’hématomes dus aux mauvais traitements qu’il a endurés, il éprouve, évidemment, la nécessité de se reconstruire en prenant du recul, tout en étant conscient qu’en dehors de son métier de reporter, il ne voit pas ce qu’il pourrait faire d’autre et qu’il lui faudra donc envisager de repartir en mission, quitte à affronter de nouveaux dangers.

En attendant, l’heure est au repos. Gabriel sait qu’il a besoin de prendre du temps et de se mettre au large afin de trouver, autant qu’il est possible, une forme de résilience. Or, plutôt que de consulter, de manière régulière, un psychologue, c’est en changeant d’environnement, en l’occurrence en quittant Paris pour Goa en Inde où il a passé son enfance, que l’homme espère recouvrer un équilibre. Certes, il n’ignore pas que ce séjour en Inde sera l’occasion d’une rencontre avec sa mère, qui y vit depuis de longues années et qu’il n’a pas revue depuis bien du temps. Mais c’est une autre rencontre qui le marque à jamais : celle d’une ravissante jeune femme prénommée Maya. Elle a 17 ans et elle est la fille de son parrain.

Or c’est elle, cette jeune indienne, qui, en lui servant de guide, va l’accompagner dans son cheminement intérieur tout en le séduisant, petit à petit, par sa grâce et par sa beauté. C’est l’ambivalence de cette rencontre : Maya apporte une aide appréciable à Gabriel dans son processus de reconstruction tout en le contraignant à prendre des décisions douloureuses puisqu’il ne s’imagine pas faire autre chose, in fine, que son métier de journaliste de terrain. Comment concilier un amour naissant, qui plus est avec une femme aussi jeune que Maya, et les risques encourus et assumés par un reporter de guerre ? Cela dit, quelle que soit son issue, la rencontre avec Maya ouvre, pour Gabriel, un espace de guérison intérieure.

Mia Hansen-Løve a fait le choix judicieux de ne jamais encombrer le film avec des grands discours. Une critique du long-métrage, lue sur internet, déplore injustement la pauvreté des dialogues, sans comprendre que cette apparente insuffisance est voulue par la cinéaste. Dès le début du film, quand Gabriel refuse de consulter, de manière régulière, un psychologue, on devine que sa thérapie ne passera pas uniquement par la parole. La simple présence de Maya, la quiétude et la beauté des paysages de l’Inde, de la végétation, des animaux et des ruines que filme admirablement la réalisatrice, rétablissent mieux l’homme meurtri qu’est Gabriel que ses rares confessions. Si l’on admet ce point de vue qui reste de l'ordre de la suggestion beaucoup plus que de l'explicitation, on n’aura pas de peine à se laisser convaincre par le film et à être touché au plus profond du cœur. 

8/10

 

                                                                       Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Films
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