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SORRY WE MISSED YOU

Un film de Ken Loach.

 

À 83 ans, Ken Loach a encore de l’ardeur à revendre et il ne manque pas de combats à mener. Il n’est pas du genre à baisser les bras. Avec son complice scénariste Paul Laverty, il persiste, à juste titre, à dénoncer les dérives du système capitaliste et, en l’occurrence, avec ce nouveau film, de l’ubérisation de la société. Et, comme quasiment toujours, en ne faisant appel qu’à des acteurs non professionnels dont les rôles, du coup, ressemblent beaucoup à ce qu’ils sont dans la vie.

À Newcastle, Ricky et Abby croulent sous les dettes et se demandent s’ils pourront un jour avoir une vie meilleure, non seulement pour eux-mêmes mais pour leurs deux enfants, Seb et Liza. Abby a beau avoir un travail stable en tant qu’aide à domicile, son petit salaire ne suffit pas pour les besoins de la famille. Quant à Ricky, il n’a réussi, jusqu’à présent, qu’à passer d’un job mal payé à un autre. Mais un avenir plus heureux se profile, c’est en tout cas ce qu’il imagine, le jour où il se propose de devenir chauffeur livreur à son compte tout en travaillant pour une plateforme numérique. Or ce travail nécessitant l’achat d’une camionnette, il faut que Abby accepte de vendre son seul bien, sa voiture, et que, dorénavant, elle fasse ses trajets au moyen des bus. Elle se résigne, en ne songeant qu’au mieux-être de sa famille.

Dès lors, c’est une sorte d’engrenage du malheur qui se met en branle. Toutes les perspectives d’amélioration envisagées par Ricky s’effondrent les unes après les autres. Le travail de chauffeur livreur se révèle des plus précaires et des plus harassants. C’est comme si on y était à la merci d’une machine dictant ses ordres. Il y a bien un contremaitre, mais lui-même n’est qu’un rouage d’un système qui le dépasse : il en est lui-même une victime tout en se croyant tenu de se conduire comme un bourreau envers les employés. Du coup, du fait de conditions de travail astreignantes, Ricky n’a presque plus de temps à consacrer à sa famille. De son objectif initial, qui était d’apporter du mieux-être à ses proches, il ne reste rien. Pire encore, puisque Abby, obligée de faire ses déplacements en transports en commun, se fatigue, elle aussi, beaucoup plus qu’avant. Quant aux deux enfants, livrés à eux-mêmes, c’est peu de dire qu’ils ne vont pas bien. Seb, en particulier, déserte de plus en plus l’école, préférant se livrer à sa passion pour les tags. Un couple, qui ne songeait qu’à assurer sa subsistance et celle de ses enfants, s’est engagé dans un processus qui les broie.

On dira peut-être qu’il n’y rien de très nouveau, que c’est du pur Ken Loach et c’est vrai. Mais on peut aussi et surtout être reconnaissant à ce dernier. Parmi tous les cinéastes d’aujourd’hui, il reste l’un de ceux qui met le mieux en évidence les faillites de la machine capitaliste qui ne s’encombre pas de sentiments lorsqu’elle écrase ceux qu’elle utilise à ses fins de rentabilité. Et peut-être aussi que, grâce à Ken Loach, nous ne regarderons plus du même œil le livreur nous apportant à domicile le produit que nous avons commandé sur internet !  

8/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer, ss.cc.

 

 

Tag(s) : #Films
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