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POUR SAMA

Un film de Waad Al-Kateab et Edward Watts.

 

 

Si « tout est joué avant six ans », comme l’écrivait en 1970 le psychologue américain Fitzhugh Dodson, on ne peut que se demander en tremblant ce qu’il adviendra des enfants qui sont nés et qui ont passé les premières années de leur vie dans un contexte de guerre et d’atrocités. C’est le cas de la petite Sama à qui est dédié ce documentaire qui, depuis qu’il a été projeté puis récompensé à Cannes, ne cesse d’obséder tous ceux qui le voient.

Tourné à Alep pendant toute la durée de son encerclement par les forces de Bachar el-Assad, le film montre la réalité de la guerre du côté de ceux qui sont assaillis et, tout particulièrement, la famille et les proches de la réalisatrice Waad Al-Kateab. Elle-même journaliste, elle a voulu témoigner ainsi de l’horreur déclenchée et entretenue par le dictateur syrien, appuyé par l’aviation russe qui s’est ingéniée à bombarder copieusement la ville.

Le film est comme un électrochoc : rien n’est dissimulé du cauchemar vécu par les habitants d’Alep, certaines scènes sont, pour ainsi dire, tout entières imprégnées de la rougeur du sang des nombreuses victimes, blessés ou morts à la suite des pilonnages. Pourtant, paradoxalement, le film n’est pas désespérant car il montre aussi que, même au milieu d’une telle tragédie, le désir de vivre reste encore le plus fort. La réalisatrice elle-même, durant cette période, parvient à voler, en quelque sorte, des moments de grands bonheurs. Même l’impitoyable Bachar el-Assad ne peut rien contre ça. Waad Al-Kateab s’éprend d’Hamza, un médecin urgentiste, ils se marient et, quelque temps plus tard, arrive au monde la petite Sama, l’enfant qui naît et grandit dans une ville en ruine, au son des bombes qui explosent et qui tuent.

Que faire quand on réside à Alep assiégée ? Résister ? Fuir ? Tant qu’ils le peuvent, Waad Al-Kateab et Hamza sont bien décidés à rester et à se battre pour sauver le plus de vies possibles. Il ne persiste bientôt qu’un seul hôpital en état de fonctionnement à Alep, celui dans lequel se dévoue sans compter Hamza, un hôpital saturé de victimes. Les scènes filmées sont parfois difficiles à regarder, mais elles donnent aussi à voir, malgré le chaos régnant, des sortes de miracles. Quand arrive une femme blessée alors qu’elle est au 9ème mois d’une grossesse, on est obligé de craindre le pire, et pour la mère et pour l’enfant. Or ce dernier, accouché par césarienne et qui semble mort-né, le médecin et le personnel soignant parviennent, non sans efforts, à le faire éclore à la vie, tandis que la mère, elle aussi, est sauvée.

Se battre pour la vie, oser croire que c’est elle qui finit toujours par l’emporter, même dans un contexte angoissant de violence extrême, tandis que du ciel tombent les bombes. La petite Sama elle-même, malgré son jeune âge, semble l’avoir compris. Quand pleuvent les engins de mort, elle ne pleure pas.

8/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Films, #Documentaires
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