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LE SEL DES LARMES

Un film de Philippe Garrel.

 

Voici déjà le vingt-huitième film de Philippe Garrel, la vingt-huitième fois qu’il exerce son art, qu’il met en œuvre son style à la fois épuré et élégant, préférant désormais le noir et blanc qui fait penser à un écrin de beauté, la vingt-huitième fois aussi qu’il sonde les atermoiements du cœur. Bien sûr, les esprits chagrins estimeront que ce cinéaste ne fait que reproduire une même recette film après film. La vérité, c’est ce que c’est de cette manière-là et pas autrement qu’on construit ce qu’on appelle une œuvre. Et, avec Philippe Garrel, sauf si l’on s’en tient aux apparences, on est sûr d’être à chaque fois conquis par la justesse d’un regard.

Il n’y a jamais rien de démonstratif chez ce cinéaste. À nouveau, avec Le Sel des Larmes, c’est la subtilité qui est à l’œuvre et elle ne laisse place à aucun faux-semblant. C’est d’ailleurs avec un regard peu amène que Philippe Garrel s’attache à suivre Luc (Logann Antuofermo), le personnage qui est au cœur du récit, un jeune garçon qui travaille à l’atelier de menuiserie de son père (André Wilms) tout en ayant le projet (fortement approuvé par ce dernier) d’être accepté à l’école Boulle afin de devenir un ébéniste de talent.

Malheureusement, s’il s’applique à exercer son métier avec soin et avec sérieux, il n’en est pas de même dans sa vie sentimentale. Philippe Garrel nous le montre bien peu délicat avec les femmes, voire carrément odieux. Non pas qu’on ait affaire à un garçon volontairement méchant, mais plutôt à quelqu’un qui ne sait pas aimer. Du désir, il n’en manque pas, mais l’amour n’est pas seulement affaire de désir. Cela commence avec Djemila (Oulaya Amamra), une jeune femme qu’il rencontre à un arrêt de bus, dont il s’entiche rapidement, mais qu’il abandonne tout aussi rapidement, d’autant plus qu’elle n’a pas accepté d’aller trop vite et de coucher aussitôt avec lui. Cela se poursuit avec Geneviève (Louise Chevillotte), une amie qu’il avait fréquenté durant son adolescence, qu’il retrouve, qu’il séduit, qu’il ne tarde pas à mettre enceinte pour la quitter lâchement en prenant pour prétexte son entrée à l’école Boulle. Enfin, Luc rencontre Betsy (Souheila Yacoub) et la séduit, mais pour bientôt se retrouver empêtré dans une histoire à trois, la jeune femme lui ayant demandé d’accueillir sous son toit Paco (Martin Mesnier), un garçon avec qui elle avoue bientôt, en toute simplicité, coucher aussi de temps à autre.

Néanmoins, malgré ce personnage de Betsy, dans ce film, ce sont les femmes qui font preuve de dignité et de force, bien plus que les garçons. Ce sont elles qui nous touchent et, parfois, nous bouleversent. Soyons juste, cependant, il y a un personnage masculin qui ne manque pas de noblesse : c’est le père de Luc, un menuisier passionné d’étoiles, un homme épris de son garçon, heureux qu’il ait été accepté à l’école Boulle, mais désarçonné par ses manières d'agir avec ses conquêtes féminines. Chacune de ses apparitions à l’écran nous atteint au plus profond. Quant à Luc lui-même, s’il se montre incapable d’aimer vraiment aucune des femmes qu’il séduit, il n’en aime pas moins son père, même si, à une occasion, il se conduit envers lui avec beaucoup de désinvolture. En fin de compte, comme le laisse entendre le final du film, ce n’est pas tant le manque d’amour qui est la caractéristique de Luc, mais plutôt le manque de foi. Foi en Dieu ? Foi en l’autre ? Qu’importe ! C’est la foi qui lui fait défaut, c’est d’elle dont il a le plus besoin. 

8/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Films
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