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POLICE

Un film de Anne Fontaine.

 

 

« Y a pas besoin d’un uniforme / pour être flic / sous d’innocentes peaux de bique / y a des poulets qui dorment ! », chantait Henri Tachan dans les années 70 et, bien sûr, il avait raison, les exemples ne manquent pas qui permettent de l’accréditer. Mais, pour être juste et impartial, il conviendrait d’ajouter aussitôt que celles et ceux qui portent précisément un uniforme ne doivent pas être restreint à leur seule fonction. Autrement dit, sous l’habit de flic, il y a une femme ou un homme comme les autres, avec ses désirs, ses sentiments, ses réflexions, ses questionnements, ses doutes, etc. On n’est pas un robot parce qu’on a opté pour le métier de flic. D’ailleurs, dans le film d’Anne fontaine, lors d’une des scènes, le personnage joué par Virginie Efira le dit : si elle est devenue flic, c’est par un concours de circonstances et non par vocation.

Dans une interview, Omar Sy explique que ce film devrait avoir pour titre Policier plutôt que Police, car ce n’est pas la fonction que la réalisatrice a cherché à mettre en évidence, mais les femmes et les hommes qui exercent ce métier et qui, comme le commun des humains, se débattent avec des difficultés de tout ordre. C’est d’ailleurs la singularité du film, c’est ce qui suscite l’intérêt, étant donné l’abondance des fictions cinématographiques mettant en scène des flics. Or, dès les premières scènes, Anne Fontaine parvient assez bien à retenir l’attention du spectateur au moyen d’un procédé qui n’est certes pas nouveau mais que la cinéaste utilise avec habileté. Il s’agit de filmer des scènes identiques selon des points de vue différents, ce qui permet de distinguer les caractères de chacun des personnages principaux.

Ils sont trois policiers : Virginie (Virginie Efira), Aristide (Omar Sy) et Erik (Grégory Gadebois), que l’on voit donc évoluer dans quelques scènes reprises sous différents angles. On les découvre surtout, d’ores et déjà, confrontés à des violences et à des drames effroyables : pugilat de rue, protection d’une femme que son mari a maltraitée (ce qui met à rude épreuve les nerfs de Virginie insultée par ce dernier), intervention chez une femme qui a « puni » son enfant de manière épouvantable… Comme dit Aristide, « quand je rentre chez moi, je me déshabille pour me débarrasser de toute cette merde ! ».

Or ces trois policiers sont, un soir, investis d’une même mission : chercher, dans un centre de rétention, un réfugié originaire du Tadjikistan et le conduire jusqu’à l’aéroport d’où, sa demande d’asile étant refusée, il doit être ramené dans son pays. Cette mission, qui pourrait être simple, voire banale, au regard de ce que le film nous a déjà fait voir dans sa première partie, ne tarde pas, au contraire, à devenir source de tensions entre les personnages des policiers bientôt confrontés à un cas de conscience. Virginie découvre, en effet, que l’homme qu’ils conduisent à l’aéroport a été torturé dans son pays et que, s’il y remet les pieds, ce sera très certainement pour y être exécuté. Dès lors, elle est résolue à laisser l’homme s’enfuir, mais elle doit au préalable parvenir à convaincre ses collègues, Aristide qui se montre très hésitant et, surtout, Erik, homme d’apparence intransigeante pour qui rien ne compte davantage que d’accomplir son devoir. Alors qu’une grande partie du film se déroule à l’intérieur d’une voiture, Anne Fontaine réussit admirablement à mettre en scène les discordances et les débats entre ces divers personnages, ainsi que la détresse et l’incompréhension du réfugié tadjik qui ne comprend pas un mot de français. Tout est peut-être affaire de regard, comme le dit Virginie à Erik en parlant de l’homme dont ils ont la charge : « Regarde-le, mais regarde-le ! », dit-elle. Oseront-ils, en fin de compte, « la désobéissance positive », pour employer cette expression de notre temps ? Le film, quoi qu’il en soit, nous interpelle, toutes et tous. Il n’est pas nécessaire d’avoir un uniforme sur le dos pour nous poser la question : que ferions-nous à leur place ? 

8/10

 

                                                                                                   Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Films
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