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DE L’OR POUR LES CHIENS

Un film de Anna Cazenave Cambet.

 

Où trouver l’amour véritable ? Dans les bras d’un garçon de passage ou à l’intérieur des murs d’un couvent ? Ou peut-être ni dans l’un ni dans l’autre ? C’est la question sous-jacente, m’a-t-il semblé, à ce curieux film, un film scindé en deux parties mais unifié par son personnage principal, Esther, adolescente de 17 ans jouée par une nouvelle venue à l’écran, une actrice épatante qui porte le film sur ses épaules, Tallulah Cassavetti.

Cela commence par une scène de rapport sexuel très cru sur un terrain sableux, à l’abri d’une dune, non loin d’une plage. Le garçon avec qui Esther fait l’amour, elle l’a dans la peau, sans nul doute, au point de consigner dans un carnet intime chacune des expériences sexuelles vécues avec lui. Tous deux, le garçon et Esther, ne sont que de passage dans ce lieu, pour les besoins d’un job d’été. Esther s’est éprise de lui au point de ne pas même se décourager après l’avoir surpris dans les bras d’une autre fille. Au moment de se quitter, quand le bien-aimé s’en retourne à Paris, la jeune fille, dévastée, lui demande son adresse. Il la lui donne, négligemment, sans croire un instant qu’elle fera autre chose que de lui envoyer une carte postale.

C’était mal connaître Esther qui, tout à son rêve d’un grand amour, se décide à rejoindre la capitale, dès qu’elle le peut, après avoir fait une courte visite à sa mère. Mais à Paris, bien sûr, comme on pouvait le supposer, c’est la douche froide. Le garçon de l’été, une fois qu’elle l’a retrouvé, a tôt fait de se débarrasser d’elle. Et voilà Esther comme une âme en peine, ne sachant où passer la nuit. Désespérée, elle se souvient d’avoir aperçu, plus tôt, un groupe de religieuses entrer dans un couvent. C’est donc à cette porte-là qu’elle se décide de tambouriner en pleine nuit.

C’est alors que le film bascule, de manière inattendue, dans cette autre réalité, celle de la vie conventuelle, aux antipodes de tout ce qu’a connu et expérimenté Esther auparavant. La religieuse qui lui ouvre la porte l’accueille, les sœurs se font un devoir d’être hospitalières. Et Esther, n’ayant pas d’endroit où aller, en vient à passer plusieurs jours et plusieurs nuits entre les murs du monastère, participant aux repas (en silence, une lectrice étant seule autorisée à parler) et aux offices et, au bout de deux ou trois jours, au travail en cuisine.

Or, ce que le film donne à voir ou à percevoir, c’est que, même si les sœurs n’ont pas manqué à l’hospitalité, elles sont tellement enchaînées à leur règle de vie qu’elles sont comme dénuées de véritable charité. Esther les regarde certes avec une sorte de fascination, surtout l’une d’entre elles, très jeune, qui n’avale rien à table et dont Esther apprend qu’elle a fait vœu de silence. Néanmoins, un soir, cette même sœur, qui a bien remarqué qu’Esther l’observait avec intérêt, se confie à elle, mais pour lui expliquer que, déçue par sa vie de femme sexuée, elle cherche à s’anéantir. Pas de quoi enthousiasmer la jeune Esther.

En fin de compte, cette vie conventuelle est décevante, elle n’apporte rien de plus à Esther que ses espoirs déçus avec son garçon de rencontre. Dans le monastère, les sœurs sont tellement obnubilées par leur règle et leurs vœux qu’elles semblent devenues incapables d’être simplement humaines et charitables. Quand Esther se blesse à la main avec un couteau, la sœur qui la soigne ne s’exécute qu’en exprimant son agacement.  Le seul amour, ou plutôt la seule tendresse, dont Esther peut faire l’expérience, c’est avec un chat qu’elle a adopté et qu’elle fait venir dans sa chambre. Jusqu’à ce que la Mère supérieure lui fasse savoir que ce privilège doit cesser.

L’errance d’Esther peut reprendre. S’il y a de l’amour vrai quelque part, ce n’était pas dans les bras d’un garçon d’un été, mais pas davantage entre les murs d’un couvent. Il faut chercher ailleurs. Tout en se disant que le parcours n’a pas été inutile, qu’il a permis à la jeune fille de grandir, peut-être de s’émanciper…

7/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer, ss.cc.

 

Tag(s) : #Films, #Drame
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