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DE JULIEN GREEN ET DE CERTAINS RELIGIEUX PRÊTRES

CITATIONS

 

Une remarque judicieuse de Julien Green, à la date du 16 janvier 1946 (Journal intégral 3, page 19). Il vient d'écouter une conférence du Père Carré sur "la conception chrétienne de l'amour", ce qui lui inspire cette réflexion: "Il en disait des choses belles et audacieuses, mais il lui manquait - je dis cela en toute gravité - l'expérience physique de l'amour... et du péché. Une âme vierge appelée à diriger des hommes et des femmes peut les mener au désastre, par ignorance des passions. Un savoir théorique ne suffit pas, même quand la prière est là."
 
Julien Green ne le dit pas, parce que c'était sans doute inenvisageable en 1946, mais ce qu'il écrit, c'est un argument de poids en faveur de l'ordination d'hommes mariés. Car, sans nul doute, des prêtres mariés accompagneraient probablement de bien meilleure manière non seulement les couples, mais, de façon générale, tous ceux qui, comme écrit Julien Green, ont à se débrouiller avec leurs "passions". Quant au mot "péché", il mériterait d'autres commentaires, car l'on a trop vite fait de classer dans cette catégorie tout ce qui touche au sexe, alors que, plus d'une fois, il n'y a pas de péché du tout!
 
 
*
 
Toujours dans le "Journal intégral 3" de Julien Green à la date du 20 janvier 1946 (page 24). A propos d'un religieux, le Père Leloir, qui, à une occasion, parlait beaucoup du mariage "de telle sorte, ajoute Green, qu'il semblait avoir une nostalgie inconsciente de la vie conjugale." "Je crois que cela est vrai d'un certain nombre de religieux, ajoute-t-il. (...) Il y a en eux un trop-plein de tendresse que leurs paroles trahissent quelquefois à leur insu et d'une manière très pathétique."
Encore une remarque judicieuse et qui, d'ailleurs, reste vraie aujourd'hui, je l'ai constaté plus d'une fois en écoutant l'un ou l'autre de mes frères religieux. Je ne veux pas trop m'étendre sur ce sujet mais il est avéré que plus d'un de ceux qui se sont engagés dans la vie religieuse éprouvent, consciemment ou non, un manque, comme s'ils s'étaient amputés d'une partie d'eux-mêmes, manque qui se révèle, peut-être malgré eux, dans des débordements de paroles sur ce qu'ils ne connaissent pas par expérience. Autrement dit, moins on en sait, plus on en parle! Est-ce une manière de compensation pour mieux tenir bon, afin de rester fidèle à ses engagements? La question est posée...
Ajoutons encore que le mot "nostalgie", employé par Julien Green, n'est peut-être pas celui qui convient. Car, enfin, comment être nostalgique de ce dont, précisément, l'on n'a aucune expérience, en tout cas aucune expérience directe? Il me semble que le mot juste, si je peux me permettre d'apporter ma "correction" au texte d'un grand écrivain, est celui de "frustration". Il ne s'agit de rien d'autre, à mon avis, même et surtout lorsque les religieux prêtres qui parlent le plus volontiers et le plus abondamment de ces sujets usent d'un ton badin, voulant ainsi se présenter à autrui sous des dehors de désinvolture, alors qu'au fond d'eux-mêmes et en vérité ils sont tout le contraire.
 
Luc Schweitzer, ss.cc.
Tag(s) : #Citations, #Ecrivain, #Eglise, #Billet d'humeur
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