LA CROISADE

Un film de Louis Garrel.

C’est le regretté Jean-Claude Carrière, décédé le 8 février de cette année, qui émit le premier, devant Louis Garrel, l’idée de ce film. Dans un premier temps, l’acteur et cinéaste l’accueillit avec scepticisme, mais elle fit son chemin et finit par se concrétiser, puisque nous voici en présence du film dont le scénario est cosigné par les deux hommes. Il y a fort à parier que, si Louis Garrel a fini par se laisser convaincre, c’est parce que le scénario s’est laissé rattraper par l’actualité. Dans une interview, le cinéaste affirme avec conviction que, si le combat pour la sauvegarde de notre planète s’incarne de nos jours, c’est, en grande partie, du fait des enfants et des adolescents qui, de par le monde, se mobilisent pour cette cause. Tout le monde connaît maintenant non seulement le nom mais surtout la lutte acharnée menée par Greta Thunberg (qu’une courte scène montre d’ailleurs dans le film), mais il ne faut pas ignorer que cette dernière a été rejointe par beaucoup d’autres jeunes gens, tout aussi convaincus qu’elle qu’il ne faut pas attendre le bon vouloir des adultes, en particulier des décideurs, pour s’engager sur une voie de changement.

A partir de cette réalité d’aujourd’hui, c’est une sorte de fable qu’ont imaginée Jean-Claude Carrière et Louis Garrel. Ne nous y trompons pas, ne demandons pas l’impossible à un film, comme certains critiques qui font la moue en prétextant que La Croisade ne fait que conforter l’à priori selon lequel l’écologie est une affaire de bobos. Il ne faut pas exiger d’un film qu’il soit aussi exhaustif que l’encyclique Laudato Si du pape François. Beaucoup plus modestement, Louis Garrel se met lui-même en scène, qui plus est aux côtés de sa compagne dans la vie, Laetitia Casta, tous deux confrontés à l’engagement et aux résolutions de leur rejeton de fils, joué par un excellent jeune acteur du nom de Joseph Engel.

On pourra toujours ergoter en repérant, ça et là, quelques maladresses dans la réalisation de ce film, mais qu’importe ! On peut surtout se laisser toucher par ce conte malicieux qui, tout en donnant leur juste place aux réalités de la vie de famille tout comme à celles de l’adolescence, raconte comment des parents, en particulier une mère, finissent par embrasser la cause défendue par leur fils. Au départ, pourtant, ce n’est pas gagné. Quand les parents découvrent, horrifiés, que leur garçon les a dépouillés subrepticement de leurs petits trésors (vêtements, bijoux, livres hérités du grand-père, vins de grand cru…) pour les vendre et participer ainsi à la réalisation d’un projet pharaonique destiné à contribuer au salut de la planète, leur première réaction ne ressemble nullement, on l’imagine, à des applaudissements.

Mais c’est toute l’astuce du film que de mettre en scène le changement de regard de parents qui, malgré leurs difficultés de couple et leur colère initiale, demeurent capables d’évoluer. Leur fils n’est plus un enfant et, pour mieux s’en convaincre, ils apprennent qu’il vient de vivre sa première expérience sexuelle avec une fille plus âgée que lui. Mais surtout, ils découvrent que leur garçon n’est pas seul dans sa quête d’une sauvegarde pour la planète. Avec lui, il y a des centaines d’autres enfants et adolescents (parfois même très radicaux !) tout aussi déterminés à mener leur croisade, non pas pour délivrer Jérusalem comme au Moyen-Âge, mais pour que la Terre reste vivable ! Cela ne devrait pas laisser indifférent, me semble-t-il. 

7,5/10

                                                                                     Luc Schweitzer, ss.cc.

LA CROISADE Bande Annonce (2021) Laetitia Casta, Louis Garrel

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